(Inside) out - Making of The wind

Warren Zevon

par Francois Branchon le 12/11/2005

Note: 8.0    

Difficile d'avoir un avis sur un tel projet sans se laisser influencer - dominer - par sa sensibilité, l'empathie inévitable pour un homme - attachant - officiellement mourant.

Warren Zevon apprend brutalement au début 2003 qu'il est atteint d'un mésothéliome en phase terminale, forme inopérable du cancer du poumon. Il décide alors de consacrer les trois mois de vie estimés par les médecins à enregistrer le maximum de chansons lui restant en tête, pour ses amis, pour ses enfants, et d'en faire un album. Il décide aussi la présence d'une caméra, pour filmer les étapes du projet et enregistrer les derniers moments importants de sa vie professionnelle.

Warren Zevon ne vivra finalement pas trois mois mais sept, s'éteindra exténué après un double objectif atteint : boucler l'album, "The wind" qui paraît en août 2003 et tenir dans ses bras les jumeaux que sa fille Ariel attendait pendant l'enregistrement.

La vision est parfois pénible, la dégradation de la santé visible, les premiers enregistrements ont lieu en studio, normalement, mais les derniers à son appartement. Cependant, l'homme ne se départit jamais d'humour ni de distance un rien cynique envers sa situation, grâce probablement au "clan" qui l'entoure. Un esprit manifeste, en premier lieu son guitariste-bassiste-producteur et ami Jorge Calderon, qui prend le projet sur ses épaules, fait face avec douceur aux impuissances grandissantes. Bruce Springsteen, pote de toujours, qui raye quelques dates de son agenda pour être là, aux backing vocaux mais surtout pour un solo poignant ("Disorder in the house"), séquence au-delà des notes, un Bruce comme pétri de douleur, presque convulsif, suppliant sa guitare d'exorciser la souffrance face à l'ami qui VA partir, solo d'ailleurs enregistré depuis le cocon de la cabine, entouré de Zevon et Calderon et des autres musiciens, assis autour de lui... Son fils Jordan, Don Henley et Tim B. Schmidt (Eagles), Billy Bob Thornton, Jackson Browne participent aussi, mais moins intensément, ainsi que Ry Cooder, Tom Petty et Joe Walsh.

Parfois, un sentiment de gêne s'installe, face aux media qui veulent "avoir Zevon une dernière fois" : ainsi le John Letterman Show auquel il se rend, voyage depuis Los Angeles apparemment épuisant, une soirée que Letterman lui consacre comme invité unique, au théâtre Ed Sullivan de New York, avec concert en direct (son dernier) qui le laisse lessivé, signant à la sortie quelques autographes à des fans discrets et en larmes, ou cette longue séance photo organisée par Rolling Stone (dont sont extraites les pochettes du Cd et de ce Dvd).

On n'est bien entendu pas témoin de tout l'enregistrement de "The wind", l'accent est simplement mis sur deux des morceaux, emblématiques, le rageur "Disorder in the house", au texte directement lié au cancer, dernier morceau produit au studio, où Zevon commence à éprouver les pires difficultés à pousser sa voix et qui devient un quasi duo avec Springsteen, et "Keep me in your heart", dernier morceau enregistré, à la maison calé dans son fauteuil, ballade dylanienne où Zevon retrouve une grâce presque immaculée, derniers couplets avant le silence... Le documentaire a la pudeur de s'arrêter là.

L'album finalisé est sorti en août 2003. Warren Zevon est mort le 8 septembre. L'année suivante, "Disorder in the house" (avec Bruce) a obtenu le grammy du "meilleur duo" et "The wind" celui du meilleur album "Folk contemporain".

NB : A l'appel des amis qui défilent, un nom manque, Skip Battin, vieux compagnon de route avec qui Zevon avait enregistré en duo son premier album "Wanted dead or alive" en 1969 (voir ci-dessous), avant que Battin ne rejoigne Roger McGuinn pour la dernière période des Byrds. Atteint d'Alzheimer, Skip Battin, est mort pendant ces sessions de Zevon, le 6 juillet, à 69 ans.