The Fisher king

Wild Man Fisher

par Francois Branchon le 28/01/2000

Note: 9.0     

Lawrence Wayne "Wild Man" Fisher était jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans très timide. Un jour, il se décide à plus d'agressivité, se met à écrire des chansons pour clamer au monde entier qu'il n'a plus peur, et redoutable décision, se met aussi à les chanter, en arpentant les marchés, les trottoirs ou les tribunes des stades.

Quelques institutions psychiatriques californiennes plus tard, Frank Zappa le repère, reconnaît son fulgurant "talent" en lui produisant en 1968 sur son label Bizarre Records le magistral double album "An evening with Wild Man Fisher". Présenté avec la mise en garde suivante (signée Zappa) : "Attendez plusieurs écoutes avant de décider si vous aimez ou non ce type. Il a quelque chose à vous dire, que vous vouliez l'entendre ou non".

Car ce disque est un Ovni ahurissant, dont deux des quatre faces ne contiennent que des "vocaux" sans accompagnement (les mécréants parlent de "cris" ou de "délires verbaux"), enregistrés sur les trottoirs du Sunset Boulevard de Los Angeles, devant le Whisky A Go-Go et le Hamburger Hamlet. Quelques musiciens parmi les plus secoués de la Côte Ouest traversent les deux autres faces de la chose, le Bizarre Percussion Ensemble, Kim Fowley, Art Tripp (le percussionniste des Mothers Of Invention) et les GTO's, alias Girls Together Outrageously – un groupe de filles sous la coupe de Zappa -.

Cheveux ébouriffés, strabisme convergent et débit saccadé ou entrecoupé d'éclats de rires incontrôlés ou de gémissements proches de la crise de larmes, Wild Man Fisher signe là un grand moment de déjante, dont "Merry-go-round" et "The madness and ecstasy" sont les sommets. Après une éclipse de près de dix ans, il refait surface chez Rhino Records, label alors naissant et férocement iconoclaste. Les secoués notoires tenanciers de la petite boutique de disques de Westwood Bld viennent juste de se faire connaître en sortant la cassette des pensées de Ronald Reagan, alors gouverneur de Californie (une cassette vierge !) et de signer le Temple City Kazoo Orchestra (sympathique formation champêtre de onze kazoos reprenant Led Zeppelin et Strauss !!).

Wild Man Fisher enregistre le tout premier album du label, "Wildmania", avec les mythiques "My name is Larry", "I'm a truck" et "Do the wildman". Sa production n'est pas plus coûteuse qu'à l'époque Zappa, pas de musiciens et les "vocaux" sont enregistrés dans les tribunes du Dodger Stadium. Son troisième album (et deuxième pour Rhino) sortira deux ans plus tard, produit par deux autres farfelus de la maison, Barnes And Barnes. Rhino est aujourd'hui un label reconnu aux Etats-Unis, grâce auquel de nombreuses anthologies de tous styles paraissent, y compris d'artistes et groupes de majors. Il n'a cependant pas oublié ses années folles et propose sur son label internet Rhino Handmade quelques raretés. Ce mois-ci, ce double album de Wild Man Fisher, le Vladimir Horowitz des chanteurs de rue, intégrale de son œuvre pour la petite marque au cochon, avec cent titres (mais certains très courts !) et incluant quinze morceaux inédits.


WILD MAN FISHER My name is Larry (Reportage TV à Los Angeles 1980)