Queen of exotica

Yma Sumac

par Francois Branchon le 17/09/2021

Note: 8.0    
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Derrière ce patronyme à la Tintin, une femme qui se prétendait prêtresse, née au Pérou Zoila Augusta Emperatriz Chavarri del Castillo, directement descendante d'Atahualpa l'empereur des Incas, excusez du peu ! Le gouvernement péruvien ravi de l'aubaine validait la version, tandis que des mauvaises langues la prétendaient immigrée irlandaise, une certaine Amy Camus, arrivée à New York parmi d'autres et qui avait par mythomanie inversé nom et prénom. 

Selon l'une ou l'autre version de l'Histoire, Yma Sumac réussit à se faire un nom aux Usa en 1946, chantant dans les clubs et les radios où sa voix ne passe pas inaperçue. Poussée par un mari compositeur péruvien  avisé démarrent ensuite un barnum de tournées permanentes en Amérique latine, où affublée de fringues bariolées et de bijoux voyants pour donner le change, elle va déchainer les passions et connaitre un succès fou tout au long des années cinquante. Elle multiplie aussi les disques et se montre au cinéma ("Secret of the Incas" 1954 avec Charlton Heston), n'oubliant pas Los Angeles où la presse people se délectait de ses frasques, ses mariages, ses divorces.

Objectivement, Yma Sumac impressionnait. Un physique avantageux et opulent de bomba latina et surtout, une voix de cinglée, de baryton et de soprano mélangés : quatre octaves (bien entendu elle en revendiquait cinq) utilisés avec fluidité et puissance, passant du râle rauque à la stridence absolue en une fraction de seconde. Un phénomène. Les sixties des révolutions rock et soul provoquent le déclin, progressif, puis l'oubli avant de devenir un petit objet de culte à la fin du siècle. Ainsi Hollywood produit le documentaire "Yma Sumac: Hollywood's Inca Princess en 1992, le morceau "Ataypura" (du film "Le secret des Incas") est repris par les frères Coen dans la BO de "The big Lebowski" en 1998. Yma Sumac connaitra sa définitive consécration en 2006, deux ans avant sa mort, avec son étoile sur Hollywood Blvd.

EMI via Capitol avait publié quelques rééditions d'albums au milieu des années quatre-vingt dix ("Mambo" 1954, "Legend of the Jivaro" 1957 et "Fuego del Ande" 1959) vite épuisés.
Frémeaux publie aujourd'hui l'intégrale de ses enregistrements depuis les débuts (1943) jusqu'en 1959.
Si au début, les chansons et leurs arrangements nous font penser à une improbable Castafiore rencontre Los Incas, assez vite la diva va réaliser les possibilités de sa voix, et passer de grive musicienne à véritable chanteuse à tripes, osant tout avec son organe. Dès l'album "Voice of the Xtabay" (1950) certains titres renversent tout sur leur passage, et que dire de son apothéose en 1954, avec le déchainé "Gopher Mambo" et l'ahurissant "Chuncho" où Sumac va faire défiler toute la forêt vierge.

Découvrir Yma Sumac est une expérience. Cette intégrale Frémeaux, riche et documentée, est une formidable opportunité. Classée aujourd'hui dans l'exotica, Sumac est bien au-delà de cette musique instrumentale d'ambiance aux parfums coloniaux parfaite pour l'apéro. Sa voix hors-normes l'emmène - et nous avec - au pays de la démesure.



YMA SUMAC Gopher mambo (Audio seul - 1954)



YMA SUMAC Chuncho (Tv 1954)



YMA SUMAC Ataypura (Tv direct Frédéric Mitterrand 1989)