L'intégrale

Zouzou

par Francois Branchon le 10/06/2004

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Tu fais partie du passé
Petit garçon
il est parti comme il était venu
Ne cherche pas
Ce samedi soir


Personnage authentiquement "culte" des sixties françaises, Zouzou a connu la trajectoire des vraies borderline.

Pensionnaire en 1966 de la classieuse maison Vogue, puis rebelle insouciante et partie prenante du cinéma underground français de 68 (des débuts de Philippe Garrel dont elle tourne les cinq premiers films à "L'amour l'après-midi" de Rohmer en 1972) et victime des désillusions 70's jusqu'au vertige junkie, Zouzou est éminemment intéressante et attachante. Élément central des fameuses compilations "Le printemps de Vogue" de 1992, Zouzou, à la faveur de la publication d'un bouquin de souvenirs, s'offre un petit retour médiatique, également orchestré autour de cette compilation annoncée comme intégrale, bien qu'il y manque le single en duo avec Dani (dont on se tape de toute façon).

Une anthologie articulée en deux parties, la Zouzou égérie des 60's françaises et celle de ces improbables retours (1987, 2000 et 2003) aux textes autobiographiques et aux musiques ordinaires, sonnant mauvaises années 80, ou pire en duo avec un certain Edward Desyon ("Tôt ou tard" et "Pas assez" de 2003) qui les a écrites et les chante avec affectation et mal (on hésite entre Obispo et Jean-Louis Borloo en fin de banquet), soutenu par une guitare électrique envahissante.

Grâce à Dutronc, elle rencontre en 1966 Jacques Wolfsohn, directeur artistique des disques Vogue, et enregistre deux Ep, aujourd'hui mythiques. Les huit titres sont ici. Avec un Jacques Dutronc compositeur des musiques, guitariste en studio et à la manœuvre à la production, Zouzou, en pleine période "yé yé" détonne. Sous des allures de jeune fille sage, elle n'est pourtant pas une nouvelle Françoise Hardy. Ses textes (dont elle est l'auteure) annoncent le féminisme avec une longueur d'avance : "...moi je suis la file du vent, chaque jour j'ai un nouvel amant..." ("Petit garçon"), "...comment as-tu pu imaginer, que j'aurais pu vivre les yeux baissés..." ("Tu fais partie du passé"), "...pourquoi satisfaire l'orgueil en toi, en me pliant sous tes lois..." ("Ne cherche pas"), "... moi j'ai trop besoin de liberté, pour accepter celle que tu veux bien me donner..." ("Tu fais partie du passé"), vérités balancées en deux minutes sur un ton innocent.

Zouzou est au croisement musical de la Nico du Velvet et de la Bardot de 1963-64, le voile de mystère de la première et la candeur de la seconde, et au-dessus, un peu de sens politique, annonçant l'engagement de Mai et la rendant proprement impassable sur les ondes officielles gaullistes. Des arrangements généralement simples, de guitare rythmique acoustique et de basse bien pétante et très en avant, ou beaucoup plus élaborés, à la manière d'un "Bal des Lazes" de Michel Polnareff ("Ce samedi soir", adaptation de "Young girl blues" de Donovan), ou enveloppés de violons ("Tu fais partie du passé"). Le très rare "Mes convenances" de 1969, enregistré alors que la musique devient pour elle anecdotique, sous très forte influence Janis Joplin (avec un guitariste déchaîné) sent bon le plan d'un soir en studio, pour le fun.

Pour la première fois sont présentées des versions alternatives : "Ne cherche pas" dont la guitare se laisse aller à quelques délires (de rares moments de Dutronc guitariste) et une version un poil plus longue mais aussi plus serrée de "Puisque tu es revenu", la basse découpant l'espace.

C'est un plaisir de savoir Zouzou toujours là, de la revoir, revenue de (presque) tout mais encore fidèle à des principes (ceux de 68 ne sont pas tous recyclés dans la com).
Zouzou est une chanteuse "culte", une vraie, pas de celles pour qui tirer des diagonales de coke et baiser avec une rock star suffisent pour atteindre ce statut ! Celles-là, d'ailleurs souvent "never been", fréquentent des chanteurs vieillissant auto-proclamés spécialistes en 60's qui leur proposent des duos...

Zouzou elle, a une œuvre qui parle pour elle, ses films comme ses petits trésors de chansons.