Serza

Alexandr Vatagin

par Hugo Catherine le 01/03/2014

Note: 8.0    

Dès l'ouverture de "Serza", nous entrons dans un univers de désolation et de décrochages. Les morceaux, comme "Bows and airplanes" peinent à prendre leur envol et préfèrent la délicatesse de l'hésitation à la clarté d'une ligne narrative. Et pourtant, les créations d'Alexandr Vatagin captent puissamment notre attention. Nous sommes ballotés au gré des événements électro-acoustiques ponctuant notre écoute. Alexandr Vatagin excelle dans l'art d'associer petites perturbations électroniques et textures acoustiques (piano, violon, guitare, basse, cymbales, toms, caisse claire…). Sur "La douce", les instruments s'entrelacent admirablement avec les larsens. Ces derniers prennent d'abord le dessus sur "March of the dancing barriers", mais libèrent ensuite le champ sonore au piano. Souvent, nous suivons le chemin des instruments acoustiques, ouvrant des brèches et les refermant aussitôt. Parfois, les morceaux sont plus nettement jazz ("Elbe", "Mantova") et nous entendons alors plus un groupe qu'un électronicien solitaire.
 
Cet album, assimilant musique bruitiste et musique de chambre, pousse au repos mental. Avec des matières sonores souvent arides, Alexandr Vatagin produit quelque chose d'étonnamment zen, extrême et doux à la fois. Il privilégie l'éphémère à l'agressivité des sons, conférant à chacun d'entre eux une place discrète et accommodante pour les touches acoustiques voisines. Sur ces apports acoustiques, nous pouvons peut-être regretter la présence parfois trop accentuée de la basse, venant marquer un peu mécaniquement des ambiances déjà bien audibles.
 
La concision de "Serza" (à peine plus de trente minutes) est admirablement élégante. Les pistes bien ramassées évitent le piège de l'expérimentation bavarde. Ainsi, sans jamais nous attarder, nous effleurons des réminiscences, nous tâtonnons parmi les sons. Alexandr Vatagin n'a pas le temps de se répéter et nous avons tout le temps de rêver.


ALEXANDR VATAGIN Mantova (Audio seul)