Billion dollar babies (Deluxe Edition)

Alice Cooper

par Jean-Louis Schell le 23/05/2001

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Hello hooray
Raped and freezin’
Elected


1973. Alors que commençaient à sévir les futurs monuments et dinosaures du prog-rock, déroulant de synthétiques et prétentieuses dégoulinades, un homme décroche la timbale avec une série de hits au retentissement mondial, et assoit cette année comme l’année glam. Vincent Furnier, alcoolique patenté, fils d’un pasteur de l'Amérique profonde, dont les premiers vagissements avaient été couchés sur bande par un Zappa au nez singulièrement creux, accouche de ce "Billion dollar babies" qui met en scène dans une tradition grand-guignolesque tous ses maux et ceux de l’Amérikkke. 1973 : le Watergate commence à faire sérieusement parler de Nixon, tandis que les GI’s s’embourbent au Vietnam. Les pays arabes déclenchent le premier "choc pétrolier". 1973 : O.J. Simpson bat le record d’out-runs et devient une icône américaine. Le suite de l’histoire nous aura au moins prouvé, comme disait Scott Fiztgerald, "qu’il n’y a pas de second acte dans une vie américaine". 1973 : un tribunal de New-York déclare que le film "Deep throat" est " indiscutablement et irrémédiablement obscène". 1973 : trop jeunes, trop brutaux, trop ivres et trop rock stars pour avoir peur de quoi que ce soit, le Alice Cooper Group prend les États-Unis et le monde entier d’assaut, parachevant un succès entamé avec "Love it to death" et "Killer", tous deux en 1971 et confirmé avec "School’s out" (1972). Devenant à l’époque la plus grosse production de rock tant sur disque que sur scène, ces blancs-becs gavés de Budweiser et d’alcools forts, et aux narines embrumées par la coke, engagent Bob Ezrin pour devenir leur George Martin personnel. Décryptant les chansons jusqu’à l’os, les reconstruisant des plusieurs dizaines de fois différemment, tandis que le magnéto tourne en permanence, Ezrin les fait accoucher d’un album qui semble évident, aux paroles décrivant les violences post-adolescentes d’une Amérikkke qui n’en finit plus de ne plus croire en elle-même. Additionnant à l’excellent groupe quelques requins de passage (Steve Hunter), l’album s’impose d’entrée de jeu avec "Hello hooray" comme voulant se faire sa place dans les classiques. Et les classiques, sur cet album, s’enchaînent les uns aux autres, grandiloquents et décadents, sans ne jamais sombrer dans le pompeux ou le prétentieux, osant même un "I love the dead" synthétisant comme personne à l’époque la réalité des tourments d’une jeunesse vieillie avant l’heure. Comme les déhanchement d’Elvis ne font plus peur à personne, l'Alice Cooper Band déchiquette l’image américaine classique, le chanteur arrivant sur scène maquillé comme dans un mauvais film d’horreur, torse nu drapé dans un drapeau de la mère patrie, prouvant finalement qu’aux États-Unis d’Amérikkke, il y a même une place pour un Alice Cooper. 1973 : Alice Cooper s’envole dans son jet privé pour donner des concerts triomphaux, dont l’un est ici en bonus sur le deuxième Cd de cette très belle réédition. Un fucking classique.