Life

Andre Williams

par Fabien Gabaig le 25/11/2013

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Stuck in the middle
Heels


En 2012, Andre Williams, 76 ans, sortait peut-être un des meilleurs albums de sa carrière. Sobrement intitulé "Life", il passa cependant plus ou moins inaperçu. A croire que les critiques du monde entier s'étaient passés le mot pour bouder négligemment la prestation. Certains se sont plaint de la qualité de l'enregistrement, où apparaîtraient de-ci de-là des bip bip et autres bruits parasites. D'autres ont dit que son chant était poussif, sa voix au bout du rouleau. Certes, Andre est un peu fatigué. Après avoir gravé des tubes rock'n'roll mâtinés de doo-wop à l'arrière d'un salon de coiffure dans les 50's, après avoir composé des morceaux pour Stevie Wonder à la Motown dans les 60's, produit des disques pour Ike et Tina dans les 70's, fini sous un pont dans les 80's et être remonté sur scène en première partie de Jon Spencer quelques années plus tard, sa voix de velours en a pris un coup, c'est sûr. Mais, pour notre plus grand bonheur, Andre Williams est toujours là, beau comme le loup de Tex Avery lors d'une violente chute d'audimat.

Enregistré à Detroit, la ville où Williams débuta sa carrière, "Life" démarre par le magnifique "Stuck in the middle", un puissant tube soul psyché sur les affres de la passion conjugale. Il poursuit avec "But'n", un morceau teigneux, répétitif, puis vient le tour de "Blame it on Obama", dans lequel le chanteur déroule lentement son commentaire politique, mi-acerbe mi-désabusé, au rythme d'une batterie digne d'un mauvais groupe de balloche, au son pourri inoubliable, idéal pour marteler le message. And last but not least, la face A se clôt sur le fantastique "Heels", délire nocturne doucement fétichiste, emporté par un riff lancinant et des choeurs féminins suggérant l'orgasme plus ou moins imminent.

A peine le temps de s'en remettre et la face B enchaîne sur une déclaration d'amour ("It's only you that I love"), avant d'envoyer "Don't kick my dog", un titre qui renoue avec le style sleaze rock que Williams a savamment pratiqué sur ses albums passés. "Money ain't got no loyalty" est un reggae étrange et poisseux, où la voix d'Andre n'est pas sans rappeler le Gainsbourg décadent dernière période ; "Ty the fly" un conte pour enfants, une sorte de fable de La Fontaine à laquelle un blues joué pizzicato sert d'illustration sonore. Et, surprise, le disque se termine par la reprise de "Shake a tail feather", salve rock'n'roll composée par Williams pour les Five Du-Tones en 1963 et qui, si on se fie à sa propre autobiographie, a compté depuis cette date pas moins de quarante reprises* diverses et variées.

Le disque qu'Iggy Pop rêve de faire depuis dix ans, Andre l'a sorti l'année dernière. Pour un vétéran, c'est la claque. Ni plus ni moins.


* En ce qui concerne "Shake a tail feather", qui fut un des plus gros hits de Williams, la question des droits d'auteur a fait l'objet d'une longue bataille juridique et Dédé, bien que tardivement, a fini par l'emporter. Cette victoire lui a enfin donné le droit de toucher les royalties qui lui permettront d'assurer ses vieux jours. Quant aux avocats d'Universal, ils ont pu rentrer au chenil.


ANDRE WILLIAMS Blame it on Obama (clip officiel)