Treasure here

Andy Blade

par Chtif le 21/12/2005

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
My memory and me


"Le punk n'est pas mort : il est descendu à Châtelet !" s'étonnait un jour le dessinateur (et occasionnel chroniqueur ici) Luz, après avoir croisé le Malcom McLaren 2002 dans le métro. Et oui, brailler "no future" n'empêche pas pour autant de vieillir. La remarque est valable pour tout le monde : bien des costards-merco actuels lançaient des pavés en 68, et nul doute que l'on verra se flétrir dans 40 ans de tatoués papys sur les bancs publics...

En 1976, Andy Blade était l'un des plus jeunes acteurs de la scène punk londonienne. Chanteur de Eater (un album - “la fourmi” - mythique, quinze ans de moyenne d'âge, plusieurs scènes partagées avec les Clash et Buzzcocks, et beaucoup de colle entre deux cours à l'école), Blade s'est bien assagi avec le temps. "Treasure here", son premier véritable album solo, dévoile une agréable ambiance pop rock très éloignée de ses débuts abrasifs. Aucune carte nostalgique sur la table : Andy Blade se refuse à piocher un trop facile succès dû à son statut de précurseur.

D'emblée le ton est donné avec l'acoustique ballade éponyme, soutenue par de discrètes percussions. Les paroles sont posées, réalistes mais pleines d'espoir ("When all the sex is over, when all the drugs have gone, when all is left is pain and fear, remember this treasure here"), à cent lieux de ses écrits de jeunesse, tels "Get raped", "No brains" ou "Anne" (ode à la nécrophilie).

Si le punk n'est plus qu'un lointain souvenir, les guitares sont restées fidèles au poste et reviennent au trot sur les chansons suivantes, qui confirment notre très bonne impression : Andy a conservé une voix juvénile qui sied parfaitement aux mélodies que l'on se surprend à fredonner au bout de deux écoutes. Blade force un tantinet sur le pathos (piano mixé en avant, chœurs d'enfant et son de guitare à la Queen sur les solos) mais l'on pardonne aisément ces excès de sensibilité devant la fraîcheur inattendue des compositions les plus rythmées. A la fois léger, timide et anxieux comme un premier amour, "My memory and me" est le morceau qui manque aux Hollywood Porn Stars pour définitivement percer. "Statue of people disease" balance une curieuse guirlande de guitares groovant comme des cors de chasse,tandis que "Filling in gaps" évoque un Joseph Arthur déconneur qui aurait laissé ses malheurs au fond du flight-case.

La trame classique des compos s'avère d'autant plus efficace que l'album préfère sagement rester court (on omettra le dispensable "spoken words" de huit minutes qu'il vaudrait mieux savourer en lisant l'autobiographique d'Andy, "The secret life of a teenage punk rocker"). La touche replay s'impose en fin d'écoute, au détriment de la pile de disques en attente pondus par des jeunots à l'arthrose précoce. Le conflit des générations n'est plus ce qu'il était.