Dreams in tune

Andy Emler Megaoctet

par Sophie Chambon le 11/02/2005

Note: 9.0    

Si Michel Contat (Télérama 2874) titre "Du jazz et ça va !" pour présenter "la musique de réconfort", "éprise de mélodie" du "Viaticum" du trio suédois E.S.T , que dire alors de l'effervescence engendrée par le Mégaoctet reformé par Andy Emler (en fait un nonette) ? Ça pulse, ça joue vite, fort et énergique quand il le faut "Minicrobe", c'est drôle (facéties des voix d'un Médéric en forme, ou de Thomas de Pourquery, crooner de comédie), tendre aussi avec "4/4 cm3 /horizons" pour un final rêvé, fredonné, susurré.

En effet - et ce n'est pas si fréquent - "Dreams in tune" retransmet assez fidèlement la puissance et l'exaltation du live, car le Mégaoctet est une vraie formation de concert et chaque représentation, selon l'humeur du capitaine et l'état général des troupes, réserve sa part de surprises. La qualité de l'enregistrement à la Buissonne y est sans doute pour quelque chose mais le jeu enfiévré et pourtant subtil des différents instrumentistes (le troublant "Last call for alcohol") contribue à ce sentiment de plénitude. Sans ressassement ou saturation mais avec une exquise mobilité. L'instrumentation que met en valeur l'écriture du pianiste, animateur en chef de cette formation, est impeccable. Invité de marque sur deux titres, le guitariste Marc Ducret (ainsi le bugle ne remplace pas la guitare) retrouve sa rythmique chérie, celle du trio avec Eric Echampard et Claude Tchamitchian. Il apporte sur un plateau à l'arrangeur Emler, une composition fétiche, "Julie s'est noyée" : d'une douce violence, poignante, la musique prend son temps pour nous vriller la tête. Les anches (saxophones ténor, alto, clarinette basse) ont la part belle avec les interventions appréciées de Laurent Dehors, Thomas de Pourquery et Philippe Sellam, plus discret que ses compères mais tout aussi efficace. François Verly aux percussions renforce l'éclat de la section rythmique (déjà formidable) et le tubiste François Thuillier, trop rare, offre en interlude ce petit bijou de "Stone tuba 1".

Donc un petit "grand format" à suivre avec délectation : "Dreams in tune" joue le plaisir sur près d'une heure, travaillant, dans ces compositions improvisées, la superposition des rythmes avec audace et insistance. Excitante de bout en bout, cette musique rebondissante, forte et tendre, truculente, est un vrai bonheur pour les amateurs de musiques nouvelles qui aiment aussi les résonances de toujours. "Un creative lab" à aller découvrir sur scène. Programmateurs de festivals, unissez-vous pour faire entendre plus souvent un Mégaoctet aussi attachant.