West in peace

Andy Emler Megaoctet

par Sophie Chambon le 08/05/2007

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
West in peace


Dans la lignée du précédent album "Dreams in tune" mais encore plus captivant, "West in peace" nouvel opus du Megaoctet, réunit toujours une distribution de rêve. On se réjouit de retrouver le spectaculaire nonette du pianiste Andy Emler, en grande grande forme. La machine rutilante, puissante, démarre très vite, tout de suite, et très fort. Difficile de faire autrement quand on dispose d'une section rythmique superlative (Eric Echampard et Claude Tchamitchian, sans oublier le percussionniste, ami de longue date, François Verly) et de soufflants déchaînés autant que brillants (Laurent Dehors au ténor et aussi à la cornemuse, diable d'homme, Thomas De Pourquery et Guillaume Orti, souverains à l'alto, Méderic Collignon toujours aussi doué au bugle comme dans "Les neuf cents lunes").

Quand on lit les notes d'introduction du pianiste, qui constituent son credo artistique, on comprend pourquoi on aime tant le musicien. Ce n'est pas seulement une question de génération et d'éducation musicale. Emler allie de façon délibérée, une musique savamment composée, à une énergie très actuelle qui déborde tout en restant à sa place. Sans oublier l'intelligence mélodique des grands groupes pop des années 70 et l'étude admirative du travail de géniaux perturbateurs, comme Frank Zappa. Ce qui explique en partie une démarche qui explore avec humour, impertinence et précision, certains territoires musicaux actuels : ruptures de tempos, suspens harmonique et rythmique, faux arrêts et donc faux départs, ostinatos souples et rebondissants ; par instant, une douceur de prélude suivie d'envolées qui n'en seront que plus étonnantes. Des interventions plus "sauvages", chantées, marmonnées, ou hurlées aux saxophones, exaltent certains dérèglements assumés avec le plus grand sérieux. Ce que le pianiste arrive à faire avec ce groupe de surdoués tient d'un véritable projet collectif dans lequel chacun reste à sa place, concourant à cette impression de joyeux chaos.

Voici donc une formation soudée prête à se lancer dans une aventure permanente sous la férule du chef. Un embrasement que l'on partage sans que cet enchaînement ne laisse de côté les moments plus tendres et rêveurs comme ce passage doux qui se glisse dans la première composition "Les ions sauvages" que domine au tuba, le trop rare François Thuillier. C'est qu'Andy Emler compose très soigneusement, en fonction de "ses" hommes, en recherchant les combinaisons insolites ou intéressantes de timbres, de textures et de couleurs : du "cousu main" qui donne aussi sa pleine mesure en live. Mais pour ceux qui achèteront le disque (oui, cela vaut encore le coup d'acheter un album), mention particulière à l'"objet" conçu avec soin, de la poétique photo de graminée, en couverture aux explications révélatrices de la conception de chacun des titres (cinq pièces longues et un court interlude, ludique, "Hugs" avant le final).

S'il fallait choisir un seul titre, "West in peace" aurait notre préférence : doux, tendrement nostalgique, et terriblement émouvant. Guillaume Orti dont on admire depuis longtemps déjà, la démarche, discrètement tenace, est saisissant dans ce chant de désir ou aveu d'une plainte, c'est comme on voudra, une ballade au cœur de la mélancolie, le climax d'un disque qui ne peut laisser indifférent.