Movements in colour

Andy Sheppard

par Clément Boissy le 01/10/2009

Note: 9.5    

Né en 1957 en Angleterre, Andy Sheppard était destiné à être saxophoniste. Il choisit l'instrument à 19 ans, à sa découverte de John Coltrane, et à peine trois semaines plus tard il intègre le Quartet Sphere de Bristol, avec lequel il va enregistrer plusieurs albums et lancer une carrière qui l'emmènera partout et le fera cotoyer les plus grands (le big band de George Russell, Gil Evans, Carla Bley, l'indien Shankaret et bien d'autres). Le premier album sous son nom date de 1987 ("Andy Sheppard"), et il n'a eu de cesse depuis de se laisser pousser par la curiosité et l'envie d'expérimentation.

"Movement of colors", son seizième album, frappe par sa souplesse et sa délicatesse. Dès "La tristesse du roi", le premier morceau, on entre dans un nouvel univers, de douceur et de fluidité, et on se laisse entraîner, comme au fil d'un fleuve dans une contrée totalement inconnue. La puissance de cette musique réside en une alliance entre des mélodies douces et aériennes et une rythmique extrêmement stable et entraînante qui les soutient, comme un cœur.

Le mariage entre la musique orientale et la musique occidentale y est parfaitement consommé : Kuljit Bhamra (Indien de Londres et figure du bhangra) aux percussions et aux tablas, montrant au passage à quel point un jeu de percussions peut être doux, s'intègre parfaitement à une structure occidentale inspiré du jazz – thème, improvisation puis thème à nouveau -   ainsi qu'aux mélodies modernes ("We shall not go to market today").

La véritable réussite de "Movement of colors" est cependant l'utilisation de l'électronique par le guitariste Eivind Aarset, non pas comme moyen de déformer les sons de son instrument (à la manière d'un Éric Truffaz), mais comme un instrument à part entière. Plus qu'un musicien, il est un véritable peintre, ordonnant les couleurs musicales et les textures électroniques, une sensibilité présente tout au long de l'album, mais particulièrement remarquable sur "Nave nave moe". Sa discrétion, qualité pas toujours très répandu chez les guitaristes, et son efficacité donnent une grande profondeur à l'album, tandis que le jeu nerveux de Arild Andersen à la contrebasse (la fin de "La tristesse du roi", "Bing"), crée l'appui harmonique et alimente une énergie sous-jacente. On regrettera cependant au sein de cette alchimie fonctionnant parfaitement, le jeu de Kuljit Bhamra, efficace mais un peu redondant sur les morceaux rapides, quasiment tous au même tempo, suscitant un sentiment de déjà vu derrière l'homogénéité.

Andy Sheppard nous emmène dans un univers poussant à la méditation, nous laissant seuls avec nous-mêmes, livrés à un grand espace vierge. Savoir se laisser porter est le gage d'un magnifique voyage.