That & this

Anthony Cox

par Sophie Chambon le 31/01/2003

Note: 8.0    

Des petites pièces pas si faciles en apparence, seize au total composent cet album providentiel d’Anthony Cox qui a saisi la chance de se portraiturer, au hasard des plages et de l’improvisation. Anthony Cox est un jeune contrebassiste, plutôt versatile - au sens anglais du terme, nullement péjoratif, rappelons-le - qui aime se frotter à tous les genres, styles et techniques : s’il a participé à plusieurs formations, grâce au label Sketch, il est resté au studio de La Buissonne, après l’enregistrement fin mai 2002, avec Steve Lacy et Daniel Humair de l’album "Works". On peut imaginer que, galvanisé par cette belle expérience, il s’est ensuite livré au travail solitaire, et plus ingrat de l’auto-portrait. Dans cet exercice de style, variant les nuances et atmosphères de l’instrument, Anthony Cox fait se croiser mystères, instantanés et aussi exigences d’une personnalité musicale à découvrir, faisant entendre une basse puissante, boisée, résolue. Ce n’est pas l’art de la contrebasse avec ou sans archet en seize leçons, qui est proposé mais un exercice où la position de soliste s’avère dangereuse à garder de façon satisfaisante : seize "études" qui explorent la possibilité de l’instrument et affirment une dimension narrative, ou émotionnelle dans "New point view" ou "Joy" par exemple. Ces "performances" mériteraient d’être suivies en live, mais on peut aussi découvrir la teneur de cette aventure où il est question de moment poétique ; et l’on s‘interroge alors sur la maîtrise à ce niveau d'intensité et de justesse par l'intégration audacieuse du silence, l’appréhension d’un certain vide qui demeure musique. Déployer une alternance de pièces vibrantes et enlevées, "Movement", "Bats", ou "Run", avec d’autres aux cadences moins rapides, "The protector", "Treaty" ou "Ronin" où l’on prend son temps, laisser des formes ouvertes suffisamment libres, donner un quasi-récital tout en nuances avec une contrebasse souple, solaire souvent et toujours chantante "Marketplace". Car Anthony Cox chante la mélodie sans prononcer un mot ou un soupir, et une fluidité mélodique parcourt ses solos qui racontent presque toujours une histoire, l’histoire de la contrebasse et d’un virtuose qui n’en a pas l’air…