Avant d'être signée par l'illustre marque Atlantic, Aretha Franklin
chantait du gospel, accompagnée par des groupes qui tenaient plus du
big band de bars à cocktails que de puissantes machines soul.
Jerry Wrexler, le boss artistique d'Atlantic qui l'a repérée n'a
qu'une date en vue : la fin du contrat de la chanteuse chez Columbia
pour la signer chez lui. Il souhaite tout lui donner : les moyens de
son art, le cadre dans lequel s'épanouir, en l'occurrence la mettre
devant un piano et lui laisser le choix du groove. Le jour J arrivé,
les signatures tout juste paraphées, il embarque la dame aux studios
Muscle Schoals de Memphis, et roule ma poule ! Wrexler avait vu
juste. Sans lui la carrière d'AF n'aurait certainement pas été
celle que l'on connait.
Rhino la célèbre aujourd'hui avec
un coffret de quatre Cd en tous points parfait, mais ce n'est pas le
premier du genre, après "Queen of soul: the Atlantic
recordings" en 1992, republié en 2014 sous la variante "The
queen of soul". Celui-ci est plus complet, dédiant le premier
des Cd à sa période Columbia avec dix titres enregistrés entre
1960 et 1966 : “Today i sing the blues” (premier single pour
Columbia), “Won’t be long”, premier succès dans les charts,
ainsi que les connus “Runnin’ out of fools,” “One step ahead”
et “Cry like a baby". Rhino inclut aussi le tout premier
single d'Aretha, “Never grow old”/“You grow closer,” deux
gospels publiés en 1956 par J.V.B Records, enregistrés à la New
Bethel Baptist Church de Detroit, où son père C. L. Franklin était
pasteur.
Passant
aux années Atlantic, le coffret aligne les temps forts, puisés dans
l'album "I never loved a man the way i love you" (1967) où
la nouvelle recrue Atlantic, soutenue par la section rythmique de la
Muscle Shoals enfile les sommets comme des perles ("Respect",
"A change is gonna come", "Baby, baby, baby",
"Save me", "Dr Feelgood"...).
Vient l'album
"Soul'69" (1969), moins connu et de coloration plus jazzy
grâce aux pointures présentes derrière elle : le guitariste Kenny
Burrell, le bassiste Ron Carter, le batteur Grady Tate... mais sans
délaisser pour autant le blues ("I've got the blues") ou
la pure soul ("Soul on top" de James Brown).
Soucieux
de na pas trop doublonner
avec les coffrets précédents,
Rhino fait le choix de prises alternatives, “Chain of fools,”
“Rock steady,”, “Spanish Harlem” ou live, “Baby i love
you”, “Don’t play that song”, “Think”.
Enfin,
une place est donnée à sa période post-Atlantic, chez Arista
Records entre 1980 et 2007 : “Jump to it”, “Freeway of love”
ainsi qu'aux duos avec Eurythmics (“Sisters are doin’ it for
themselves”), George Michael (“I knew you were waiting for me)”,
Tom Jones (“It’s not unusual/See saw”), Smokey Robinson (“Ooo
baby baby”) ou Dionne Warwick (“I say a little prayer.”) ou
cette rareté, la reprise de “Someday we’ll all be free” de
Donny Hathaway pour la BO du film Malcom X.
Un
impeccable travail de Rhino.