Dodeka

Arne Nordheim

par Fabian Faltin le 04/12/2003

Note: 7.0    

Comme il existe la confiture aux abricots, il y a des albums de bruits électroniques, et “Dodeka” d’Arne Nordheim en est un. On se dit qu’on aurait mieux fait de prendre un pot à la fraise ou aux framboises, mais maintenant qu’on est à la caisse, trop tard pour retourner dans le rayon. Et puis après tout, les abricots ce n’est pas si mal...

Ceux qui ont la chance de parler couramment le grec ou le norvégien, et qui en plus connaissent sur le bout des doigts le système dodécaphonique d’Arnold Schönberg, vont non seulement apprécier que “Dodeka” s’appelle “Dodeka”, mais aussi remarquer que l’album est constitué de douze morceaux, dans lesquels se répètent (peut-être) les douze mêmes notes, modifiés (peut-être) par douze algorithmes sophistiqués qui sont tous (peut-être) un reflet de notre époque. Tout cela est à vérifier, ou plutôt c’est à Arne Nordheim qu’on aimerait le demander, seulement la pochette austère et minimale du label Rune Grammofon est comme a son habitude muette sur ce point, comme sur tous les autres d’ailleurs. Mais on ne va pas pour autant se plonger dans la détresse pour un déficit informatif.... Quand on y pense profondément, c’est même plutôt agréable.

Une musique qui ne serait qu’agréable aurait bien entendu du mal à s’affirmer, ce que Edward Said appelait, à propos de Brahms, « la musique de sa musique ». A ce compte-là, on pourrait tout aussi bien aller se détendre à la piscine, ou manger... de la confiture aux abricots. (A vérifier tout de même). Pour revenir à “Dodeka” , on ne peut que constater qu’il sonne plutôt bien. Parfois, on y entend comme le son lointain et presque muet de cloches d’église depuis le sommet de la Tour Montparnasse, d’autre fois des bruits très nets, incisifs, cristallins, comme les gouttes d’eau de stalactites dans une grotte, comme les carillons des portes de restaurants japonais...
Pour une idée plus précise, penser au synthétiseur de Joe Zawinul pendant les trois premières secondes de “Pharao’s dance” de Miles Davis. Enlever la batterie, la basse, enlever aussi Miles et Joe Zawinul, répéter très discrètement ce qu’il reste pendant les 45 minutes suivantes. On y est presque. Si ce petit exercice ne vous a posé aucune difficulté, il est probable que “Dodeka”  ne vous intéressera pas, car vous l’aurez déjà entendu. Sinon, ne pas hésiter, c’est vraiment une bonne affaire. Et et si vous n’êtes pas pleinement satisfaits, vous n’avez que à mettre un peu de Brahms à côté.