Electric

Arne Nordheim

par Frédéric Joussemet le 11/01/2001

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Warsaw


Arne Nordheim est un pionnier de l'expérimentation électronique norvégienne, et ce disque permet de découvrir cinq de ces compositions, datées de 1968 et 1970. L'originalité du compositeur est d'imbriquer compositions traditionnelles et électroniques. Il ne mélange pas les deux genres, mais enrichit chaque branche de son travail des recherches qui en découlent. La musique de Nordeim est faite de collages sonores divers. Le morceau "Warsaw" est par exemple truffé de sons collectés en ville lors de la composition, et "Pace", des poémes enregistrés et modifiés à l'extrême par des traitements sonores. La complexité de ces oeuvres ne provient pas seulement des sonorités rencontrées. Beaucoup sont reconnaissables et émanent d'instruments traditionnels (piano, glockenspiel, choeur....) dont le son est retraité. La difficulté surgit de l'absence totale de rythme, de phrasé, d'accord ; bref ce qui permet de passer de l'état de bruit à celui de musique. Arne Nordheim joue sur leur enchevêtrement, leur chronologie, la complémentarité de leur timbre. Il crée des climats vaporeux, parfois paisibles mais jamais statiques, car une respiration - une vie - semble animer ces tableaux sonores. La mutation constante des formes acoustiques est libératoire, le souvenir n'existe pas réellement car rien ne préfigure le son suivant. La musique de Nordheim est une introspection. L'esprit est démuni face à cette musique qui s'étend immuablement, empruntant des voix inconnues et tourmentées. Il tangue aux flots des vagues sonores, et se perd parfois complétement. "Warsaw" (toujours) : une chute vertigineuse débute la visite d'un monde improbable; des chants d'enfants polonais, des gouttes d'eau perlant d'un stalactite, un hélicoptére au loin, des chats et corbeaux hurlant à la mort, des bruits d'usines, une grenouille solitaire... Les rencontres sont intenses lorsque l'on parvient à s'immerger dans la musique. C'est le but premier de Arne Nordheim : créer un contact émotionnel avec l'auditeur. Au prix d'un effort d'écoute et de l'oubli des conventions, c'est chose faite et cela en vaut la peine.