Sea change

Beck

par Christian Tranchier le 27/10/2002

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Lonesome tears
Lost cause


Paysage panoramique désertique meurtri par un vent sec et surplombé de pesants nuages noirs... Dans la veine directe du sobre "Mutations", expurgé de la joie de danser funky de "Midnite vultures", Beck (re)gagne de l'épaisseur et de la profondeur avec une simple guitare acoustique et des cordes. Une économie de moyens apparente au service de compositions d'une mélancolie douce-amère joliment enrobée par la discrète production du célébrissime Nigel Godrich. Beck distille finement cette tristesse ambiante et prédominante de sa voix monocorde et grave et, paradoxalement, l'émotion affleure sous ce calme et cette planéité illusoires. Jamais ce brillant songwriter (désigné habile usurpateur par les mauvaises langues, il est vrai que les ombres de Serge Gainsbourg, Nick Drake et Neil Young planent mais sans tarir la source inspiratrice originelle) n'aura frémi avec autant de sensibilité. La beauté de ce dépouillement sonore aride et trompeusement homogène (on est loin de ses rocambolesques collages et mixes façon "Odelay") atteint des sommets grâce à cette guitare chatoyante ("Lost cause") et ses violons omniprésents. Ces derniers façonnent des atmosphères entières de tragédie sous-jacente : tour à tour menaçantes ("Paper tiger"), aériennes et émouvantes ("Lonesome tears"), sentimentales ("Golden age"). Elles envoûtent par leur ample mouvement, leur splendeur luxuriante au port altier. Toujours accompagnées de cet état funeste dépressif permanent. Un Beck déprimé et pessimiste, loin de son image de joyeux trublion. Aussi fulgurant et hypnotisant qu'un portrait mortuaire. http://www.beck.com/