Spacebox

Bed

par Jérôme Florio le 24/03/2003

Note: 7.0    

Depuis qu'une pomme est tombée sur la tête de Newton, on ne compte plus tous ceux qui s'acharnent à se débarrasser des contraintes physiques pour flotter, léger, plus haut. Benoît Burello, seul pilote à bord de Bed, est un des leurs, et "Spacebox" est sa deuxième tentative après "The Newton plum" sorti il y a deux ans. Le résultat est un saut direct dans l'espace-temps ("The gap"). Comme Erik Satie, Burello peut trouver tout un monde d'harmonies dans un seul accord de piano, répété indéfiniment jusqu'à l'avoir épuisé, pressé comme un citron. Il maîtrise parfaitement l'espace entre les notes, mais n'est pas encore complètement affranchi du temps : le disque passe ainsi sans grand bouleversement, d'une égale intensité, dérive au gré de courtes structures répétitives qui se déploient dans des chansons au format classique. Bed utilise un langage musical déjà parlé ailleurs : dans les larges mailles du filet de la section rythmique batterie-contrebasse, jouée jazz, viennent se prendre des entrelacs de guitares claires, de fugitives dissonances free de clarinette. L'influence de Talk Talk se fait sentir, et cela peut donner l'impression d'écouter une version ramassée d'un de leurs deux derniers disques, avec des titres plus courts - comme si on avait élagué l'arbre sur la pochette de "Spirit of Eden". Le chant de Benoît Burello, grave et contenu, rappelle la voix filasse de Robert Wyatt, autre victime des tracas du corps. Quelques chansons se déshabillent pudiquement, les taches de couleur s'estompent, et finissent presque nues, piano-voix mélancolique et rêveur. Là ou Mark Hollis est un Monsieur Jourdain de la pop qui semble faire les choses en autodidacte, ici l'ensemble, bien que constamment léger, apparaît sensiblement plus réfléchi et cérébral, ce qui nuit un peu à l'émotion. Il semble que rien ne soit en mesure de venir troubler la quiétude et malmener la structure de ces titres cotonneux, transparents comme de l'eau de source. Mais si quelqu'un souhaite que Benoît Burello remette les pieds sur terre, alors il faudra lever la tête et aller le chercher dans la stratosphère.