In space

Big Star

par Jérôme Florio le 20/10/2005

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Lady sweet
February's quiet


Le retour de Big Star ! Un groupe essentiel de la pop Us des années 70 emmené par Alex Chilton et Chris Bell, dont la discographie se résume à trois disques. Evacuons d'emblée les comparaisons chères aux gardiens du temple : "In space" n'a pas le lustre mélodique de "#1 record" (1972) ni de "Radio city" (1974), et il est très loin de l'ambiance mortifère de "Third – Sisters lovers" (1978). Au contraire, c'est une joyeuse célébration, qui se permet même par moments de raviver la brillance d'antan.

Quoi de plus normal que Big Star sonne différemment, avec deux satellites qui ont changé sur les quatre d'origine : Chris Bell (auteur d'un disque solo culte "I am the cosmos", décédé en 1978) a démissionné dès après "#1 record", exit aussi Andy Hummel et John Lightman. Restent donc Jody Stephens et Alex Chilton, rejoints par deux Posies, Jon Auer et Ken Stringfellow – fans transis de longue date et zélateurs infatigables. Ces deux-là sont davantage que des pièces rapportées, encore moins un backing-band de luxe : ce serait oublier qu'ils se produisent avec Stephens et Chilton sous ce nom de Big Star depuis plus de dix ans. Leur pleine participation à "In space" (écriture, chant) en est le prolongement logique. Bon, c'est un peu comme pour Ron Wood et les Rolling Stones, ils ne seront jamais considérés comme des "vrais" membres...

Big Star n'est donc plus le même groupe, et Alex Chilton, 59 ans, ne mène plus la vie erratique qui a été la sienne. Depuis quinze ans au moins, il semble avoir laissé son ego en balade au volant d'une Cadillac des années 50 : le récent "Live in Anvers 2004" témoignait de cette relecture gourmande du répertoire rock'n roll et rythm'n blues de son adolescence. C'est la même fraîcheur qui illumine "In space", disque de fête, plein de joie de jouer ensemble (Chilton ne prend les devants au chant que sur cinq des treize titres) - on l'imagine bien rentrer en studio et dire : "bon les gars, le couplet est en E, le refrain en A, le pont en G, allez on y va !".

Les choses ne s'arrêtent pas là. Auer et Stringfellow devaient crever d'envie d'apposer leurs noms avec fierté sur un disque de Big Star, pour pousser Alex Chilton à mettre la patte (malgré lui ?) à une poignée de chansons qui sont ses meilleures depuis si longtemps ("Lady sweet", l'americana "February's quiet"), dignes du Big Star d'origine – et qu'il ne chante même pas ! Elles font figure de cailloux blancs du Petit Poucet, entre de la bonne power-pop ("Dony", "Best chance we’ve ever had") et batifolages plus légers (le funk de "Love revolution", le rock'n roll millésimé de "A whole new thing"), relevés par le désir palpable de faire sonner les guitares et les harmonies vocales ("Turn my back on the sun", très Beach Boys). "Aria largo", genre de pièce classique arrangée pour groupe de rock, est assez curieuse.

Le disque conclut dans une sorte de jam session trafiquée, un joyeux foutoir psychobilly pas très sérieux. L'étoile Big Star n'est ni noire ni morte : elle a aujourd'hui un coeur gros comme ça.