Bill Evans Trio at Shelly's Manne-Hole Hollywood, California

Bill Evans

par Sophie Chambon le 03/03/2002

Note: 9.0    

On croirait entendre le disque de trois copains jouant, pour le plaisir, un répertoire connu de longue date. Au risque de renforcer les préjugés de ceux qui continuent encore de penser que la musique d'Evans est digne d'un piano bar. En mai 1963, Bill Evans est engagé par le batteur Shelly Manne dans son club. Chuck Israels est son bassiste depuis décembre 1961, après la mort accidentelle de Scott LaFaro. Malgré son chagrin réel, Bill Evans a repris le piano. Par contre, on a systématiquement sous-estimé son remplaçant, dont l'approche de l'instrument est plutôt traditionnelle, et s'en tient aux fonctions rythmiques et harmonique. Larry Bunker par contre, batteur, vibraphoniste, percussionniste classique est le nouveau venu dans le trio. C'est un ensemble plus classique qui dégage cohésion et… sérénité. Le répertoire, composé essentiellement de standards délicieusement apaisants est sur tempo lent : une valse "The boy next door", un long "Round midnight", la contrebasse étant jouée à l'archet en toute fin, un "Wonder why" coolissime. L'album comporte aussi deux blues "Sweedish pastry" et "Blues in F", ce qui est très rare dans la discographie du pianiste en trio. Le son, pour un live de l'époque est particulièrement bon. Et le dernier blues écouté fort résonne avec brillance. Une mention spéciale pour la version splendide, toujours aussi émouvante de l'evergreen "All the things you are". Pour Evans, cet enregistrement, de transition, est le dernier de son contrat avec Riverside. C'est d'un commun accord avec le producteur Orrin Keepnews qu'il finit en beauté par un 'live'. Ce trio qui aura duré trois ans a été peu enregistré et on ne parle jamais de cette formation, tant le premier et même le trio de la fin surpassent tout dans la mémoire collective. On aurait tendance à penser cependant, que ces pièces enregistrées se bonifient avec le temps. Et il est bon de connaître une face moins sombre de Bill Evans. Les musiciens paraissent heureux dans cet album, où les marques identitaires du jazz, swing , émotion et lyrisme, s'imposent. Cet enregistrement mérite donc d'être réécouté aujourd'hui. Qu'on se le dise.