England made me

Black Box Recorder

par Francois Branchon le 01/11/1998

Note: 10.0    
Morceaux qui Tuent
England made me
Ideal home


Il n'est jamais trop tard pour bien faire. La nouvelle manifestation discographique de Luke Haines est parue dans une relative indifférence au début de l'été 98. Le temps de quelques écoutes a suffit pour rendre cet album attachant et évident. Haines se réfère souvent à Mark E. Smith, l'incontrôlable et imprévisible leader de The Fall. Comme lui, Haines a des tripes, il sait contre qui il se bat, vers qui et quoi diriger sa révolte : le consensus mou, l'identification imbécile à une nation, Blair le publicitaire, les idées diluées et la mise en petites casiers mercantiles de la société. C'était déjà le cas avec ses Auteurs, mais leur forme choisie (rock and roll) diluait l'impact des textes. Ici, ils sont en avant et littéralement mis en scène.

Sarah Nixey, qui les chante (ancienne choriste de Balloon aux réminiscences Tracey Thorn et Alison Statton de Young Marble Giants), a accepté de les interpréter comme on accepte un rôle au théâtre. Elle leur donne sa voix, volontairement neutre, égale, presque blanche, refusant toute identification et leur interdisant toute vie. On ne s'était encore jamais entendu susurrer de cette façon : "la vie est moche, suicidez-vous !". Luke Haines, musicien d'exception, se charge avec John Moore (ex-Jesus & the Mary Chain) de tous les instruments et arrange tous ses morceaux comme des miniatures, chacun marqué par une petite virgule originale (la guitare de "It's only the end of the world", les deux notes de claviers de "Ideal home", le xylophone fondant de "Swinging"...).

Toute la force de "England made me" réside dans ce décalage entre une candeur affichée, un accompagnement musical minimal d'un côté et des textes cruels, monstrueux et sombres de l'autre ("Child psychology", "Hated sunday"...). Un vrai petit salon de thé des horreurs, horriblement jouissif...