Field rexx

Blitzen Trapper

par Chtif le 21/08/2005

Note: 6.0    
Morceaux qui Tuent
Leopard’s will to live


Il semble bien que ce soit la nouvelle donne : pour sonner un tantinet original aujourd'hui, il faut risquer les collages inattendus, privilégier la cassure et la dissonance, souvent au détriment de la mélodie elle-même. Tout cela sans perdre sa cohésion ni se prendre au sérieux bien sûr, car n'est pas Zappa qui veut. Un mélange bien délicat à doser face à l'exigence d'un public indie qui ne souffre plus les redites ni les facilités.

Fort de cette constatation, le mystérieux Eric, Monsieur Loyal de Blitzen Trapper, mène sa troupe avec un sens certain du contre-pied. Sur la piste, aucun clown triste aux gags éculés, mais une fanfare complètement imprévisible mêlant, pour ce deuxième album toujours auto-produit, country-rock, pop gentiment psyché et sonorités électroniques bien senties.

Le chapiteau, planté au beau milieu d'un désert, porte en lui le souvenir de ceux qui ont un jour hanté ses bancs. Neil Young a dû abandonner là sa pedal steel et son harmonica (de quoi moissonner un "Concrete heaven" en mémoire d'un amour perdu), et Supergrass, probablement égaré en plein trip "dune de sable", sa guitare fuzz ("Cold gold diamond").

Les tours de passe-passe s'enchaînent, et si l'on voit un sosie de Richmond Fontaine entrer dans la boîte magique, c'est un morceau funky, quasi hip-hop ("Love i exclaim !") qui en ressort l'instant d'après. Sans trucage, comme ces messieurs-dames le vérifieront eux-mêmes.

La plupart du temps, Blitzen Trapper exécute un vertigineux numéro d'équilibriste au sein même d'un morceau, superposant allégrement les ambiances et les instruments : jazzy, moog, ou bluegrass en fin d'album, à grand renfort de guimbarde et de banjo. "Leopard's will to live" est sans conteste le clou du spectacle, avec sa parade de freaks clopin-clopants, ses bêtes féroces, et son orgue de barbarie qui ferme la marche.

Souvent intriguant, parfois vain (au cirque, il y a toujours un numéro où l'on s'ennuie ferme), "Field rexx" réussit l'exploit de rester homogène tout en jouant la carte de la diversité. Si la fraîcheur naïve des débuts fait aujourd'hui défaut, Blitzen Trapper maîtrise suffisamment son art pour pour quitter son désert et trimballer sa caravane dans d'autres contrées. Reste à savoir si les feux de la rampe se laisseront apprivoiser sans caprice...