Guitar music

Blood & Burger

par Jérôme Florio le 09/06/2003

Note: 8.0    

S'ils étaient informaticiens, on pourrait dire que Blood et Burger jouent en réseau. A partir de deux machines aux langages très différents, ils occupent un espace commun : le blues. Enregistré en partie en live à Paris en juillet 2002, "Guitar music" fait converger deux routes qui se croisent rarement chez les intégristes des chapelles musicales. Guitariste noir américain, James Blood Ulmer a fait partie dans les années 70 de la formation free-jazz d'Ornette Coleman, qui l'initie à son concept de musique "harmolodique" - combinant harmonie et mélodie, avec des instruments accordés à l'unisson. Parfois comparé à Jimi Hendrix dans sa recherche de repousser les limites de la guitare, Ulmer appliquera cette théorie au sein de projets variés : avec quator à cordes, dans des groupes à la couleur plus rock, funk, ou tout mélangé... Récemment, il a enregistré l'acoustique "Memphis Blood" (2001), dans lequel il interprète des blues. Depuis qu'il a mis Kat Onoma en veille, l'alsacien Rodolphe Burger multiplie en électron libre les collaborations sur son label Dernière Bande (avec l'écrivain Olivier Cadiot, l'actrice Jeanne Balibar, Alain Bashung...). Burger et son Meteor Band assurent ici le rôle de backing-band, et jouent une rythmique métronomique et robotique. A grands coups de wah-wah, Blood Ulmer tire de sa guitare des sons étonnants ; ses grands doigts évoluent sur le manche comme des pattes d'araignée, tissent une toile sonore parfois discrète en arrière-plan mais omniprésente ("Huit couché", "Long-legged fly"). Ulmer casse le carcan rigide qui lui est proposé en prenant les devants dans des interventions graduellement plus denses et complexes. "Unlimited marriage" est le mélange réussi et hypnotique entre un texte énigmatique, porté par la voix grave et caverneuse de Burger, la rythmique froide du Meteor Band, et la sinueuse tapisserie sonique de James Blood Ulmer. Burger et Blood poussent la parité jusqu'à aligner chacun quatre compositions, avec une reprise pour les départager : "Play with fire" des Rolling Stones - eux aussi importateurs en d'autres temps de la musique noire américaine. Ce disque aurait pu s'appeler "One + one".