Awesomer

Blood on the Wall

par Emmanuel Durocher le 01/10/2006

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Reunite on ice
Mary Susan


A Brooklyn, chez Blood on the Wall, on écoute au petit déjeuner ses disques préférés, témoins glorieux des décennies passées et on passe le reste de la journée à leur rendre hommage dans des chansons. Mais plutôt que de faire des déclarations d'amour à la manière de Damon Albarn ou de les utiliser comme un moyen un peu arriviste d'arriver au sommet comme Jack White, les trois new-yorkais préfèrent mettre à sac le patrimoine de leurs idoles pour ne pas être à sec et mieux les dynamiter. Avant de laisser du sang sur les murs, ces trois Frankenstein en herbe en ont d'abord sur les mains à force de fouiller tripes et entrailles encore fumantes.

Et il ne faut surtout pas s'arrêter à l'aspect affable et débonnaire de la comptine pop-folk "Going to heaven" qui inaugure l'album car elle n'est là que pour cacher la boucherie qui se profile au long d' "Awesomer". Il faut encore moins succomber au chant des sirènes à l'écoute de la voix de Courtney Shanks qui a tant de similitude avec celle de Kim Gordon, Sonic Youth est disséqué à coup de riffs saccadés et épileptiques ("Stoner jam") ou de tentations bruitistes ("Can you hear me", "I'd like to take you out") ; sur "Keep your eyes" elle se permet même de rajouter sa voix sur la mélodie de "Sister Ray", c'est un peu le Velvet Undergound qu'on émascule. Brad, le frère de Courtney, n'hésite pas à faire ces expérimentations sur sa propre personne en se faisant greffer les cordes vocales de Tom Verlaine et de Frank Black tout en décortiquant le "Slanted and enchanted" de Pavement sur "You are a mess" et "Reunite on ice" ou en dépeçant le "Surfer Rosa" des Pixies sur "Gone" et "Mary Susan". Pour clore la liste des méfaits, on n'oublie pas de mentionner des expériences génétiques sur les groupes de garage ("Heat from the day") et un croisement génétique entre le psycho et le psyché ("Dead edge of town") ; comme si cela ne suffisait pas, les apprentis sorcier se permettent des cris punks jubilatoires ("Hey hey", "Get the fuck off my cloud") en forme d'exutoire comme un soulagement après toutes ces éviscérations.

Mais, on le sait, pillage sans talent ne mène à rien alors que chez les trois américains tout paraît couler de source, ils semblent avoir extrait la substantifique moelle et s'approprier, le temps d'une chanson, le génie de leurs icônes pour les faire revivre un court instant. Alors, coup de bluff ?