Jazz giant

Bud Powell

par Sophie Chambon le 30/04/2001

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Tempus fugue-It


Voici le disque d'un géant du Jazz, réédition inspirée qui fait (re)découvrir des prises de février 1949 et 50, imposées par le producteur Norman Granz, convaincu d'ouvrer pour la scène jazz de l'époque. Ecoutez ça, c'est du tout neuf, et cela déménage encore en ce début de vingt-et-unième siècle. On tient l'évidence, à condition d'aimer le bop. Mais qui peut ne pas être touché par cette simplicité apparente, ce swing lumineux et incandescent ? A l'heure où fleurissent des pianistes soi-disant sublimes qui s'acharnent à continuer et à actualiser (?) la formule rebattue du trio (Jean-Michel Pilc, Bill Carrothers, Brad Mehldau...), quand certains s'essaient en solo, croyant braver des interdits (notre 'cher' Keith Jarrett mais aussi Mehldau), écouter Bud Powell dans ses compositions énergiques, "Celia", "Tempus fugue-it", "Strictly confidential", répare une certaine injustice : pour un peu, comme Bud fait partie de notre paysage musical, on l'oublierait. Et on aurait tort. Volubile, souple, véloce, ayant du goét pour les mélodies, il traite aussi les standards avec délicatesse comme dans ce piano solo de "Yesterdays". Parler de Bud avec amour n'est pas donné à tous, n'est pas Francis Paudras qui veut (l'amateur passionné devenu son ami, qui l'a aidé, financièrement notamment). Le pianiste qui manquait parfois d'équilibre dans sa tête, voire dans sa vie, donne à tous les suiveurs actuels, une magistrale leçon d'émotion, et de recherche. Son éblouissante technique, inspirée à ses débuts par Art Tatum et Thelonius Monk, exprime une vraie personnalité, qui place la musique avant tout, de toute façon. Sur la photo de la jaquette, il est "habité" par ce qu'il entend, encore que ce terme galvaudé aujourd'hui, ne traduise plus la passion qui l'animait. Avec Max Roach aux drums, et Roy Haines, ou Curly Russell à la basse, selon les plages et les jours de session, ces trios miraculeux écrivent une histoire qui vient des profondeurs, un chant qui énonce les formes de sa modernité. De l'émotion au sens, et retour. Libre à vous d'être attentif à ce rendez-vous, mais comment ne pas être éternellement reconnaissant à Bud "Earl" Powell d'avoir laissé ce programme ?