Wrap around joy / Thoroughbred

Carole King

par Jérôme Florio le 05/05/2003

Note: 8.0    

Dans les années 70, Carole King collectionne les succès et enchaîne avec régularité les disques (et les maris). "Wrap around joy" (1974), après la parenthèse soul de "Fantasy", atteindra aussi la place de n°1 dans la lignée des succès de "Tapestry" (toujours à cette date classé dans les charts) et de "Music". King y reprend un son toujours très "clean", mais semble opter pour une approche plus directe : dès "Nightingale" elle troque les doux tapis de percussions pour un groove plus souple, plus franc. Depuis "Fantasy", la patine du son demeure soignée mais cette fois elle s'applique à des arrangements plus simples, un ensemble plus rythmé que ses disques précédents. Les tubes "Jazzman" et "Wrap around joy" sont des bons exemples de cette pop au son très poli, remplies de chœurs et d'un saxophone embarrassant (ça sonne un peu comme Supertramp). Une seule chanson a les idées noires ("A night this side of dying") : pour le reste c'est plutôt solaire et tout confort (les vertus du pilotage automatique) : rumba et doo-wop de salon sur "You gentle me", l'accrocheur "My lovin' eyes". King privilégie un son plus compact et une unité de propos. Toutefois, le disque n'échappe pas toujours au risque du ventre mou, ("You go your way, I'll go mine", "You're something new"). On même droit au slow spécial allumage de briquets ("We are all in this together"), à l'accent religieux et revêtu de chœurs gospel. Mais le message humaniste et écologiste n'est pas une pose chez Carole King : quand elle prendra quelques distances avec l'industrie du disque au début des années 80, deviendra une militante active du mouvement environnemental.
"Thoroughbred" (1975) est le disque des retrouvailles avec son mari Gerry Goffin (l’historique paire Goffin-King). On est de suite en terrain connu avec une balade réussie en solo au piano ("So many ways"). "Daughter of light", avec son groove rond, prolonge l'orientation détendue prise par "Wrap around joy". Épaulée par Goffin, Carole King semble renouer avec la simplicité de l'époque du Brill Building. Les fondations sont identiques, et elle rembauche quelques ouvriers qualifiés : James Taylor, David Crosby et Graham Nash aux chœurs. Une chanson s'intitule "High out of time" : écriture indémodable en effet, un "endless summer" (la pochette, cliché romantique à-cheval-sur-la-plage). Le travail de Carole King sur les harmonies des accords de piano est proche du jazz, et en même temps, sa musique est très calibrée : durée des chansons, structure, progression rythmique et mélodique. C'est du "middle of the road" digne, où rien ne dépasse et donne l'impression d'être sous contrôle (c'est à la fois confortable et oppressant). Un travail bien fait par quelqu'un qui connaît (un peu trop ?) son métier, et qui pantoufle parfois ("There's a space between us" où King pousse sa voix, le ouaté "Ambrosia", le saxo sur "Only love is real"). Un retour aux bases, aux racines, qu'elle a souvent chanté, même si elle ne s'est jamais tellement éloignée de son point de départ. Son écriture semble atteindre ici maturité et sérénité ; Carole King peut se permettre une grande simplicité dans les arrangements, tellement elle n'a plus à démontrer son savoir-faire.