Loose

Chris Burroughs

par Francois Branchon le 27/10/2000

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
A blessing and a curse
The hottest day in the hottest year
The only way we know


Le type (derrière son manche de guitare depuis plus de vingt ans) vient de Tucson-Arizona, un coin où éclosent parfois des musiques chaudes, terriennes, d'espaces (la galaxie Calexico), et bosse à Los Angeles, sillonnant dans sa vieille caisse les routes qui les relient. Californie, Nevada, Nouveau Mexique, Arizona... Chris Burroughs a vu depuis son volant défiler pas mal de paysages de ce grand Ouest américain et dû s'imaginer dans les road movies cultes tournés dans le secteur (du "Zabriskie Point" du Désert de la Mort d'Antonioni au "Paris-Texas" de Wenders). Il a noirci des carnets de route, fixé des émotions en tous genres, et restitué le tout dans ses chansons. Pas étonnant si, de trajets solitaires en motels de passage, elles sonnent vrai. Si la musique de Calexico reflète les bouquins de Cormac McCarthy, l'attraction du sud mexicain et les pistes caillouteuses pour chevaux, celle de Chris Burroughs est plus directement américaine et carrée, à la manière de Green On Red ou de Terry Lee Hale. Les écouter plonge pile dans les décors de "Written in the west", l'album de photos que Wim Wenders a tiré de ses repérages pour "Paris-Texas" : routes droites, poteaux télégraphiques de guingois et arbres de Josua, cabanons de bois et drive-in rose bonbon jalonnent l'itinéraire. Voix demi-brisée, guitare acoustique ou électrique inséparable, Burroughs est soutenu par un duo rythmique basse-batterie discrètement en retrait et quelques pigistes occasionnels (orgue, accordéon, piano ou backing vocaux). "Loose", quatrième album, est la trace sonore d'un hobo dans l'Amérique d'aujourd'hui, sans le romantisme d'autrefois, de motels anonymes à poivrots et serveuses fatiguées ("A blessing and a curse") en grands espaces (le moite et nonchalent "The hottest day in the hottest year", "The only way we know"), constat désabusé de l'état de cet Ouest américain d'où la civilisation est déjà repartie, laissant la nature et la végétation reprendre ses droits sur les carcasses de stations services abandonnées.