Circum Grand Orchestra

Circum Grand Orchestra

par Sophie Chambon le 29/09/2005

Note: 9.0    

Circum, association lilloise à la Malterie qui a créé son propre label et sorti déjà deux albums "Impressions" et Stephan Orins Trio en 2004 (chroniqués ici) continue son aventure avec un ensemble résolument plus étoffé, le Circum Grand Orchestra, un de ces grands formats créé dans le contexte pourtant sinistré du big band jazz : c'est toujours une gageure d'organiser des tournées à grande échelle et jouer à Paris relève de l'exploit. On aime donc l'ancrage nordiste, l'attachement à la terre natale et à la région lilloise, alors qu'il est si difficile de vivre au pays.

Plus présents que jamais, les frères Orins, Peter, l'un des deux batteurs de ce disque et Stephan le pianiste de la formation, le guitariste compositeur de nombreux titres Olivier Benoît - on se souvient de sa conduction hallucinante d'orchestre avec gestuelle consignée et improvisation collective de la troupe nordiste "La pieuvre". Créé officiellement en mars 2000, le collectif qui défend et met en pratique une expression et esthétique communes, accueille des invités de la scène jazz et improvisée, à l'image d'une compagnie de danse, réunit également Sébastien Beaumont (guitare), Julien Favreuille (saxophones), Christophe Hache (basse et contrebasse), Christophe Motury (trompette), le batteur Jean Luc Landsweerdt, Philippe Lemoine (saxo alto), Nicolas Mahieux (contrebasse), tous trois membres de l'ONJ Barthélémy. Charlène Martin, soliste invitée de ce dernier ONJ fait aussi partie de l'aventure.

C'est d'ailleurs elle qui permet d'articuler le projet autour de l'expression vocale. Il existe en France des chanteuses au vrai sens du terme qui se lancent dans le jazz vocal avec une solide formation technique et qui ne veulent pas nécessairement swinguer ou scater, même si elles en sont capables. Avec Elise Caron, Charlène Martin est très éloignée de toutes les chanteuses "glamour" marketées comme les nouvelles divas du jazz vocal, avec tous les artifices que cela suppose. Même en écoutant le disque à l'envers - après tout "Ouverture" aux sombres harmonies n'arrive qu'en troisième position - il y a une réelle continuité, cette idée chère à Frank Zappa qui fait que l'album peut s'entendre d'une traite : une sorte d'opéra rock contemporain avec un big band très cuivré et musclé (cinq souffleurs bien allumés, une section rythmique doublée et deux guitares très électrisées). Le type de formation que l'on aime évidemment.

Les douze instrumentistes sont tous formidables et ne se privent pas pour poser quelques beaux chorus comme Christophe Rocher (clarinette basse) et Christian Pruvost (tp, bugle) "Penthotal" au gré des compositions inspirées de textes d'auteurs jeunes et moins jeunes aussi comme le poète Guillevic "Debout". Les amateurs de fines textures, et de recherches sonores, épris de jazz contemporain seront vite conquis par l'enthousiasme, l'énergie, la libre circulation d'une écriture très construite qui laisse place à des improvisations de haut vol. Les arrangements soutenus et tirés au cordeau, la "mise en scène" impeccable concourent à une dynamique d'ensemble cohérente et lisible. On plonge vite dans un spectacle total, la musique fait le reste… On vous invite donc à découvrir rapidement ces machines à swinguer nouvelle tendance, version troisième millénaire...