Addict

Collectif Slang

par Sophie Chambon le 25/02/2007

Note: 8.0    

"Addict" raconte une vraie histoire musicale faite de beaucoup de bruit et de fureur, dont la tension s'installe depuis des débuts, relativement contenus, "No bises no chaud", jusqu'à la violence finale et aux hurlements de rage de "Burn" après des effets trash de "Guy de Boogie" ou les aspects plus punk de "Tasty cake". On aime l'univers déjanté (jusqu'aux pochettes à l'esthétisme tourmenté) de certains collectifs actuels dont Slang fait partie et on aime aussi le label de Chief Inspector drivé par le tenace et courageux Nicolas Netter. Depuis "Limousine", on s'intéresse particulièrement au travail de Maxime Delpierre ou de David Aknin. On leur fait confiance pour injecter des sonorités sales de guitares saturées, jouer d'une batterie furieuse qui cogne et martèle en cadence. Le trio basse-batterie-guitare nous immerge dans une sonorité forte, dans un chaos de sons, sans même avoir besoin des vocalises hyperaiguës de Mederic Collignon.

Synthèse des tendances des musiques actuelles, condensé musical des courants des vingt-cinq dernières années ? Ces jeunes après tout sont de leur époque, et créent une musique qui se nourrit de diverses influences plus ou moins proches. Difficile d'affirmer d'ailleurs leur identité - ce qui n'est pas pour déplaire - et même si certains apprécient le son garage, on décèle quand même une vraie recherche musicale pas toujours obtenue des musiciens de rock actuels. On entend aussi de l'électro pas toujours réglo avec les machines d‘Olivier Sens qui s'amuse à parasiter l'ensemble. Les souffleurs, Laurent Geniez, en tête, aux saxophones viennent ajouter leur étincelle chic et choc, des stridences qui ne sont pas sans rapport avec le free mais alors avec le free rock. Et puis il y a les "chanteurs" et "The King of Minneapolis" doit beaucoup au hip hoppeur Mike Ladd. Et si Mederic Collignon a quitté le collectif depuis l'enregistrement du disque, que le groupe se rassure, les vocalises-pitreries de l'électron libre le plus connu de la scène jazz actuelle, ne sont pas aussi indispensables à la continuation du travail entrepris. On préfèrerait même, faut-il l'avouer, les parties purement instrumentales qui entraînent plus loin dans le rêve, le chaos minéral et la matière...
Car c'est ce que l'on aime retrouver dans cet univers de dérives étranges et d'errances glaciales, de sourdes violences, d'ambiances compulsives et lancinantes, de souffles distordus : une vision cinématographique, lynchienne sans aucun doute, plus près du cauchemar de "Eraserhead" que du glamour un peu toc de "Mulholland Drive"…