Cherry Red rarities - Our brilliant careers

Compilation

par Jérôme Florio le 09/10/2003

Note: 9.0    

Our brilliant careers (1981-1983) : Five Or Six, Nightingales, Reflections, Monochrome Set, Everything But the Girl...

Cherry Red est un label dont le nom pince le cœur des amateurs de pop anglaise des années 80. Sur ce premier volet des rééditions de raretés (singles et faces B), peu de groupes représentés ont vraiment percé en termes de ventes (à l'exception d'Everything But The Girl - EBTG), mais tous nous rappellent à une vingtaine d'années de distance ce que la pop devrait tout le temps être : urgente, sincère, pleine de ferveur, sans calcul, pour la simple beauté du geste. Une évidence que l'on s'étonne presque de redécouvrir.

Les titres s'enchaînent chronologiquement suivant l'ordre de sortie des singles ; c'est à ce genre de tic bien sympathique que l'on repère les passionnés, dont on sent ici la main derrière chaque pochette de disque. On connaît des groupes qui se sont copieusement servis chez les arty et inquiétants Five Or Six : Death In Vegas samplant sans vergogne "Another reason" ; sur "This is for the moment" on croirait entendre le chant décérébré des Audio Bullys. Un chemin hors des sentiers battus, qui mène d'une électro-pop droguée et mécanique à des expérimentations tordues parfois éprouvantes ("Think"), en passant par la chambre froide de Joy Division ("Rushes"). Et qui finit direct à l'échafaud sans ascenseur ("Theme").
Le son punk-funk sec et claquant des Nightingales sur "Inside out" en remontre à tous les Rapture du moment, avec une dégaine pleine de morgue ("My brilliant career", live en Peel session), en même temps que quelque chose de déconstruit ("Son of God's mate"). Energie punk encore, avec des Reflections qui foncent droit devant ("4 countries"), Mark Perry jouant des coudes pour se frayer un chemin au milieu d'un raffut à la limite de la dissonance ("The coroner and the inquest").
Chez les plus connus, la curiosité du lot est "The bridge" de Monochrome Set, improvisation sur le récitatif du poème de Longfellow, qui se barre en sucette façon crooner bourré à Las Vegas. Voisins de palier peu bruyants, EBTG, dont on trouve ici les faces B du tout premier single "Night and day". Présents aussi en solo, Tracey Thorn et Ben Watt font encore chambre à part pour les compositions : elle et son swing triste, lui avec son folk autiste de station balnéaire déserte. Parfait pour danser seul au son d'un juke-box mélancolique. Un peu osseux, touchant de gaucherie, on peine à croire que c'est le même groupe qui s'est plus tard égaré dans des errements emphatiques, avant de renaître via l'électronique. Côté jardin, la clairière pop carillonnante outrageusement lumineuse des Fantastic Something sur "If she doesn't smile (It'll rain)" - avec un curieux creux dans le son après 1'28 (comme si bande avait ralenti) - se prolonge en face B : comme si les deux frangins Veis se refusaient à en finir brutalement, pour rester le plus longtemps possible dans cet état de rêverie.

Une échappée belle, que Cherry Red prolonge sur deux autres volumes de raretés.