Little waves

Crescent

par Jérôme Florio le 13/09/2007

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Our river
Cup


Le grand calme qui se dégage de "Little waves" est trompeur, car il dérive d'une attitude radicale. Depuis ses débuts au sein de la scène bristolienne, Crescent semble s'être construit par opposition : refus de la facilité offerte par les nouvelles technologies (à tous les niveaux, de l'enregistrement à l'artwork), la lenteur préférée à la frénésie (le précédent disque "By the roads and the fields" date de 2003), la possibilité de l'accident plutôt que la froideur technologique.

Comme une fleur qui fait craquer le bitume, "Little waves" a été enregistré dans les zones en friche de la civilisation : une ferme française, un cinéma, une voie d'autoroute désaffectée, une forêt… Une démarche qui va jusqu'à sortir de l'Occident, avec l'utilisation de rythmes indonésiens gamelan sur "Drift". L'électricité est utilisée parcimonieusement, dans un souci de maîtrise et d'économie : on entend surtout de la guitare acoustique, de l'harmonium, des percussions, des cuivres ("Nearly ready"). Le tout est éclairé par une bougie vacillante, mais qui tient bon : "Before" et "Cup" arrivent à créer une belle pâte sonore, grâce à un simple effet d'écho sur la bande et une guitare électrique qui ajoute un soupçon d'acidité psychédélique (on pense aux Byrds…). La voix grêlée de Matt Jones rend "Our river" très prenante, comme un mystérieux country-blues des origines (Jones cite comme influence "Anthology of American Folk Music" de Harry Smith). Les silences et les trompettes dissonantes de "Birds came out of the trumpet" rappellent un autre grand solitaire, Mark Hollis. Comme l'ex-Talk Talk, Matt Jones nous invite à une écoute attentive.

Crescent s'invente une éthique "bas-débit", pour essayer de préserver un peu de beauté fragile mais solide : une démarche qui a valeur de refuge.