Zong book

Daunik Lazro

par Hugo Catherine le 31/01/2005

Note: 7.0    

"Saxophones baryton et alto, Daunik Lazro solo, impros soufflées" : la description laconique de la pochette ne trompe en rien sur la rauque attitude de Zong book. L'instrument saxophone est connu de tous mais les sons sonnent ici comme une révolte-face : le moindre poncif mélodique sirupeux est banni du répertoire de Daunik Lazro.

Sa musique rêche inspire tantôt le désespoir, tantôt la révolte. Il n'y a pas davantage de raison d'y entendre un hurlement de souffrance plutôt qu'un cri de liberté. De toute façon, la rage expressionniste prend à la gorge d'entrée, crispe et mugit tout du long.

Querelle free ou volatilité lyrique, le cri de ce saxophoniste est évidemment théâtral. Sur "Lucie", la plainte des sons semble tourner au supplice, le contorsionnement des notes ne peut avoir d'égal que celui du musicien devant son instrument, cloué à son bec. L'énergie dégagée est telle que l'âme du musicien transpire physiquement, corporellement. Nous assistons à la sonorisation de la voix intérieure de l'interprète.

Daunik Lazro procède bien plus par flots continus que par attaques instantanées. Ceci est particulièrement visible dans "Monotonic 1" et "Monotonic 2" où le souffle perpétuel du saxophone crée un brouillage a-respirant, déployant comme une forme d'hypnose à l'effet proche de celui d'un didjeridoo. Ce travail sur la souche sonore libère un espace exigeant. Au fil des écoutes, rares sont les occasions pour l'auditeur d'extraire une accroche mélodique ou un commencement de ritournelle. Le sous-grave et le sur-aigu ont tous deux leur chance pour se faire entendre, ils la prennent crânement.

Les compositions de l'album résonnent d'un tel fracas d'énergie que les notes apparaissent presque comme inespérées, hasardeuses. La spiritualité et la technique de l'interprète sont entièrement dévolues à l'extirpation de sonorités improvisées qui émanent d'un objet cuivré apparaissant plus que jamais comme une potentialité de souffles et de pistons. Ainsi, le don de son est d'autant plus profond qu'il semble emprunter des voies quasi-accidentelles.