Sunday street

Au gré de contrats multiples, Dave Van Ronk, figure de la nouvelle scène folk américaine de la fin 50's et début 60's principalement basée à Greenwich Village, s'est trouvé embarqué à la charnière des 70's dans une carrière vaguement chaotique, accouchant d'albums où son folk et son blues devaient s'accommoder de sauces hawaiienne ou pop, voire de se noyer sous un orchestre.

En 1976, le label Rounder sert de refuge à ce "Sunday street", qui marque le retour à des valeurs de base. Un retour à la simplicité d'abord, Van Ronk est seul, enfin avec sa guitare et "sa" voix, ce qui occupe déjà pas mal de volume. Un retour aux douze bonnes vieilles mesures ensuite, le blues qui sous-tendait la révolution culturelle de la fin 50's, qui faisait s'épanouir des John Hammond, des Fred Neil et des Dylan. En l'occurrence, un retour aux sources pas du tout synonyme de retour en arrière mais plutôt de retour à la vie.

Tout au long de l'album, il jubile le Van Ronk ! Le lecteur est averti : DVR c'est d'abord une voix, accordée à sa tronche d'ours mal léché, il grommelle, éructe, gueule, crie ses tripes. Mais, du flot des avalanches émergent des filets de tendresse, des murmures attendris, quelquefois au cours du même morceau ("Jésus met the woman at the well"). Les titres choisis sont en majorité des standards, quelquefois très anciens, "Down South blues" fut enregistré par Leroy Carr, "Jiving man blues" par Frankie Jaxon en 1929, "Mamy's blues" popularisé par Jerry Roll Morton (qui clamait avoir inventé le jazz en 1906 !)... On remarque aussi trois reprises, la transcription à la guitare de "The pearls" du même Jerry Roll Morton, "Maple leaf rag" de Scott Joplin - le temps d'un picking jouissif - et "That song about the Midway" de son amie Joni Mitchell, figurine en apparence fragile dans la main de Kong Kong, mais dont la tendresse parvient à filtrer derrière chaque mot. L'accent mis sur la voix de Dave Van Ronk ne doit pas faire oublier le guitariste, "Sunday street" est un album qui ravira les amateurs de blues acoustique, en accords, en picking, en rag, la panoplie de folk blues est complète. (NB Très belle photo de rue de Dennis Rearson pour la pochette)