If i could only remember my name

David Crosby

par Francois Branchon le 11/11/2021

Note: 10.0      

En cette année 1971, le rock psychédélique de la Cote Ouest n'est qu'un souvenir : Jefferson Airplane n'est plus qu'une entité contractuelle, Quicksilver Messenger Service oublié, Crosby, Stills, Nash & Young (CSN&Y) boucle sa carrière par un live enregistré l'année précédente, le Grateful Dead, toujours mu par l'esprit communautaire et le besoin de jouer tient encore debout, mais a radicalement changé, passé au country-folk-blues acoustique ("Workingman's Dead" 1969 et "American beauty 1970), quant à Bill Graham, il s'apprête à fermer en juillet son mythique Fillmore West de San Francisco. Tout un symbole.

Mais va surgir un sublime chant du cygne. Car si les groupes battent de l'aile et cherchent de nouvelles voies, les musiciens sont toujours actifs, Jorma Kaukonen et Jack Casady de l'Airplane passés au blues avec Hot Tuna et en sont à leur deuxième album, Neil Young a lancé sa carrière solo depuis trois albums et travaille déjà à "Harvest" et la plupart vivent sur la colline de Laurel Canyon à Los Angeles, où ils se croisent, se recroisent, jouent chez l'un chez l'autre.
Ce premier album solo de David Crosby post CSN&Y reflète cette vie de bohème, alanguie et sereine. Excellent chanteur, Crosby est aussi un très bon compositeur ("Wooden ships", "Long time gone", "Déjà vu", "Guineverre" c'était lui), il livre ici une palanquée de chansons toutes aussi belles les unes que les autres, à croire qu'il les gardait par-devers lui, attendant la bonne occasion.

Les chansons sont une chose, encore faut-il choisir son monde pour les faire vivre. Et Crosby fait les choses en grand. Tout ce que compte Laurel Canyon de bonnes ondes est là : Jorma Kaukonen, Grace Slick, Paul Kantner et Jack Casady (Airplane), Bill Kreutzmann, Phil Lesh et Jerry Garcia (Grateful Dead), David Freiberg (Quicksilver), Graham Nash, Neil Young, Gregg Rolie (Santana), Joni Mitchell... Et les gourous de l'acid rock vont retrouver l'envie de monter haut, de tutoyer les étoiles. Tous, ou à peu près, l'avaient tenté l'année précédente sur le premier solo de Paul Kantner ("Blows agains the empire" 1970) mais sans la liberté que va leur accorder Crosby. Et de cette liberté émerge la création à l'état pur.

Le très beau "Music is love" ouvre l'album, "Cowboy movie", le sublime "Tamalpais High (at about 3)", lumineux et apaisé, "Laughing", l'hypnotique et planant (grâce à un Garcia reconnaissable entre tous) "What are their names" avec sa longue intro en hélice visant les hauteurs béates, "Traction in the rain", "Song with no words (tree with no leaves)", "Orleans" (dédié aux châteaux de la Loire !) et "I'd swear there was somebody here", tous exhalent une magie acide et cool de la Californie.

A sa sortie en février 1971, "If i could only remember my name" avec sa pochette de soleil couchant sur le Pacifique (vu de Tamalpais High ?) représentait une sorte de cadeau d'adieu aux amoureux de l'acide west coast, la réunion inespérée de musiciens dont on aimait chacun des groupes. Aujourd'hui il fête ses cinquante ans, David Crosby et Jorma Kaukonen en ont plus de quatre-vingt et Jerry Garcia est mort depuis longtemps. Rhino célèbre évidemment la chose avec tout le respect dû au chef d'oeuvre. La réédition offre un deuxième Cd de bonus, avec des chutes, "Kids and dogs", "Games", "The wall song", une bonne partie des morceaux en versions démo acoustique (dont certaines remontent à 68) ainsi que quatre inédits ("Bach mode", "Coast road", "Dancer" et "Fugue" en mode session autour du feu en fin de soirée.



DAVID CROSBY What are their names (Audio seul 1971)


DAVID CROSBY Music is love (Audio seul 1971)


DAVID CROSBY Tamalpais High (Audio seul 1971)





Jerry Garcia, Crosby, Neil Young, au fond Phil Lesh
Jerry Garcia, Crosby, Neil Young, au fond Phil Lesh