Mort aux Ramones

Dee Dee Ramone

par Fer Fre le 13/02/2003

Note: 9.0    

Bien honnêtement, il semblait difficilement envisageable qu’un éditeur digne de ce nom entreprenne un jour la traduction, en vue d’une sortie nationale au pays des belles lettres, de cette autobiographie. Les Ramones ? Quatre pauvres crétins consacrés rois du basique, quatre faux frères dont il faisait bon se gausser, quatre loquedus sortant des disques de plus en plus tartes, toujours à la traîne de cette réputation de révolutionnaires rock. Des perdants, en somme. Mais les choses sont imprévisibles et il fallut attendre la mort de Joey, la voix du quatuor, auteur posthume d’un disque soudain auréolé d’un inattendu statut culte, pour que la Ramonesmania, tombée en désuétude au tournant des années 80, reprenne du poil de la bête. Sacré poil et sacrée bête, monstre féroce obéissant à la férule de la récupération capitalistique, laquelle décline la présente déferlante Ramones sous tous les supports possibles.

A l’heure d’une sincère overdose de disques de reprises, toutes en respect et en vénération pompeuse, "Mort aux Ramones", signé du légendaire Dee Dee Ramone, balance un sacré pavé dans la légende. Dee Dee ? Un fou, un dément, un cramé ayant connu une enfance horrible, seul et sans amour, aux prises de parents salement alcooliques. D’Allemagne, d’où il né, il rejoint les States, déjà à fond dans la dope. Dee Dee, mythique bassiste de ce combo avec lequel il entretenait d’ahurissantes relations d’amour et de haine, cause de ses faux frères comme de sacrés tarés, d’impensables perdants à qui on aurait jamais prêté l’ombre d’une seule réussite. Dee Dee s’épanche dans ce livre sans filtre aucun. Comment, dès sa prime enfance, il écrit des chansons (d’une noirceur alarmante) dans sa tête. Comment il craint les autres, les hait et les respecte en même temps. Combien ce groupe qu’on imagine uni n’est en fait qu’une réunion d’alcooliques, de junks, de caractériels toujours à s’insulter. De piquantes anecdotes musicales, de sessions de travail, d’immersions studio, vous n’en trouverez pas, ou à peine.

"Mort aux Ramones" ne cause pas de musique, même si tout est fatalement axé autour de ce média au service de quatre barrés, se déclinant en trois accords. Dee Dee parle de lui, de lui, de lui, de lui et de son obsession des Ramones, qu’il ne cesse vouloir fuir. Lorsqu’il y parvient, sa vie est à ce point privée de but qu’il continue d’écrire des chansons pour le groupe. Il trouve l’amour. Arrive enfin à tirer un trait sur les Ramones, qu’il trouve d’un pathétique achevé. Cet homme est libre. Libre de mourir prisonnier de son amour immodéré pour les fixs, des sensations fortes et des rapports humains aberrants.

Saisissant, monstrueux et atterrant, "Mort aux Ramones" est, vous l’aurez compris, une puissante, grande et cinglante production littéraire.