Streethawk : a seduction

Destroyer

par Olivier Santraine le 21/02/2002

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Beggars might ride
Helena


Il existe des disques si forts, si passionnants qu'ils réveillent la nuit et empêchent de dormir, un baromètre musical des grands événements de l'année. En 2001, Lift to Experience a produit son quota d'insomnies, idem pour Brando, petit groupe américain distribué par le distributeur bordelais Talitres (sacrément efficace). En ce moment, c'est Destroyer qui s'acharne à relever les paupières. Passons sur le nom, Destroyer n'est PAS un groupe de hard graisseux et sur la modernité : "Streethawk : a seduction" aurait pu sortir en 1972 en même temps que le "Ziggy Stardust" de David Bowie (on aurait dit la même chose en 1999 du "The soft bulletin" des Flaming Lips). Mélange de glam et de psychédélisme spatial, mais monté en sauce lo-fi par Daniel Bejar, multi-instrumentiste à la voix rouillée qui dirige ce quatrième album de Destroyer, en compagnie d'activistes de l'underground rock canadien. Les titres sont tout en mouvement, commencent souvent tranquillement pour exploser en multiples réincarnations, ici un piano estampillé Bowie 70's ("Streethawk 1"), là un glam sexy, rock & roll sans pose ("The sublimation hour") ou une pop presque anglaise assaisonnée country, genre Suede au Texas ("The crossover"). Le groupe lorgne d'ailleurs ostensiblement vers les Iles Britanniques, "English music", ou ce "Virgin with a memory" (quel titre !), du Belle & Sebastian en mieux. Mais tous les rapprochements, aussi flatteurs soient-ils, s'arrêtent là car Destroyer écrase la concurrence, en proposant dix idées par morceau et des variations partout. Le groupe donne une impression d'absence de structure, de chansons uniquement faites de breaks, comme un foutoir très bien agencé. Ils sont aussi très forts pour les Bacdf (ballades au coin du feu), mais chantées dans une maison en ruine, pas de cœur à prendre, rien de romantique là-dedans. Difficile de sortir des MT parce que le disque est homogène et que tout est très bon. Néanmoins, "Beggars might ride" est géniale. Tout en mouvement, cette ballade pop explose cinq fois en deux minutes quarante-cinq avec un orgue feutré, terrible, et une batterie qui devient un instrument à part entière. De même, "Helena" est une Bacdf de folie. Le début est calme mais, quand arrive le refrain, tout s'envole, il est scandé et chante par lui-même ("...so throw the old furnitures in the fire..."), de la pure poésie dans l'écriture sur une mélodie imparable. Cesser d'écouter ce disque provoque de graves états de manque, en abuser empêche de dormir : putain comment dire non à "Streethawk : a seduction" ??