Palermo

Eddie Gomez Trio

par Sophie Chambon le 09/04/2007

Note: 9.0    

Après le remarquable trio For Heaven's Sake du pianiste américain Kevin Hays, Jean-Philippe Muvien, guitariste et fondateur du joli label Allgorythm continue de nous faire voyager musicalement dans des univers de jazz originaux et talentueux. Il nous gratifie cette fois d'un album étonnant, celui du trio du contrebassiste Eddie Gomez qui a su s'entourer depuis plus de dix ans du pianiste Stephan Karlsson, Suédois naturalisé américain. Quant au jeune batteur Nasheets Waits, le fils de Freddie Waits, il tourne dans des contextes divers (de Fred Hersch à Jason Moran sans oublier Drew Gress, Scott Colley), mais a su trouver sa place dans la formation d'Eddie Gomez.

Ce trio acoustique a enregistré en Sicile en 2006, à Palerme, d'où le titre de la première composition, "Palermo" coécrite par le pianiste et le batteur.
La couleur du disque est tout de suite trouvée. C'est une musique fluide mais intense, romanesque, percutante (énergie du pianiste et du batteur), où le contrebassiste leader laisse s'exprimer ses partenaires, non sans avoir attaqué par des solos brillants (à l'archet dans l'émouvante ballade qu'il a lui même composée "Missing you"). Il est singulièrement troublant d'écouter Eddie Gomez en trio, quand il reprend le poignant "We will meet again" que le pianiste Bill Evans dédiait à son frère disparu, dans le disque d'ailleurs posthume “You must believe in spring”. On ne peut s'empêcher d'être ému par l'hommage rendu, tout en comparant la version initiale qui ne fait guère plus de trois minutes à celle du disque actuel qui double le temps de développement du thème…

Les pensées d'Eddie Gomez, musicien exceptionnel qui a joué avec les plus grands - Bill Evans, Chick Corea, ou Michael Brecker - sont sans doute toujours investies par le souvenir des chers disparus. Et on comprend alors qu'il reste fidèle à la forme du trio classique, qu'il n‘essaie pas absolument de faire du neuf, mais au contraire tente de rendre un hommage juste et sincère à ses fantômes. Les reprises de superbes standards comme "On green dolphin street", "My foolish heart" s'ajustent avec les nouvelles compositions dont trois sont dues au pianiste Stephan Karlsson. Et l'unité du disque est évidente. Ce trio est cohérent, magnifiquement soudé, il joue sans s'économiser, avec le cœur. Le résultat est plus que convaincant, “Palermo” ravive une nostalgie sans mièvrerie, faisant preuve d'un respect fidèle et en même temps tonique.