Fuck work

Ent

par Hugo Catherine le 24/05/2006

Note: 8.0    
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Dans "Fuck work", chaque morceau possède son univers propre. Nous pouvons entrer chez Ent comme dans un voyage à tiroirs. Et pourtant, malgré l'autonomie créatrice de chaque piste, le tout coule sans heurts et fait sens.

Dans "Fuck work", Ent travaille beaucoup. En effet, le fil conducteur de cet album pourrait être la figure de la répétition, du va-et-vient, du travail à la chaîne. Ent s'appuie sur une matière sonore très dense, faite de coups de butoir répétitifs ou de signaux persistants. Ainsi, sur le morceau d'ouverture, "Beating cherry nipples", nous entendons une machine racler, sans cesse. "All night long" prend le relais de par son mouvement de bascule incessant. De même, "Eternal plans" semble rythmer un travail manuel cadencé, lourd et régulier.

Mais Ent n'en reste pas à la simple répétition. Celle-ci est toujours noyée dans une garniture luxuriante de sons, privilégiant, tantôt un magma aux couleurs sombres, tantôt des escapades lunaires. Ainsi, sur "Beating cherry nipples", les coups de marteau font brusquement place à une féerie sidérale laissant libre cours à une ritournelle de Jean-Michel Jarre. Ent parvient à fondre les plus agressives percées sonores dans des épures éparses. Cette tension permanente entre l'embouteillage des bruits et l'enchantement des nappes transforme notre écoute en rêverie.

Si l'album dans son ensemble est une réussite indéniable, toutes les pistes ne s'impriment pas avec autant d'insistance sur notre tissu mémoriel. Sans s'égarer trop longtemps, "All night long", comme son nom l'indique, traîne tout de même un peu en longueur ; "Milk obolo" ressemble parfois à un intermède plus léger, plus easy-listening et moins mémorable. Toutefois, notre écoute est magnifiquement récompensée. En effet, le dernier morceau, "Nothing for money", s'apparente autant à un point de chute qu'à un point d'orgue. Les signaux sonores se croisent et s'intensifient pour créer une texture puissante et assez inouïe. Les rythmes tribaux servent un capharnaüm final où Ent, proche d'une électronica hardcore, se lâche. Les dernières minutes de l'album nous proposent une expérience unique où, dans une joyeuse débandade, un swing désuet se mêle à des allures country franchement amerloques, puis à une voix de Porcinet taille adulte tout à fait improbable. Dans ce dernier morceau, les gars de Ent nous confirment qu'ils ont un petit grain, de talent.