Big boogaloo

Eric Legnini

par Sophie Chambon le 29/01/2007

Note: 9.0    

On l'aime vraiment Eric Legnini, depuis qu'on l'a redécouvert cet été au Tremplin Jazz d'Avignon, où il fut non seulement un président de jury avisé et sensible, mais où il fit découvrir aux Avignonnais ravis, une version réchauffante de son dernier album "Miss soul"… Il nous livre, toujours chez Label Bleu, la suite de ce réjouissant album funk hard boppien.

Car il est loin d'avoir épuisé le répertoire qu'il affectionne. Sept des douze compositions sont du pianiste, mais Eric Legnini aime aussi reprendre quelques standards. Avec "Smoke gets in your eyes" de Jérôme Kern, ou "Reflection" de Ray Briant, il sait que certains peuvent l'attendre au tournant. Mais il aime les mélodies et sait en restituer toute la nostalgie sans mièvrerie. Cet Italo-Belge, adopté par les Français, a l'art de dépoussiérer certains tubes plus pop, comme "Where is the love" et "Going out of my head". Il sait les accommoder sans en trahir l'esprit et il a su s'accompagner d'une équipe de choc : le batteur sudiste Franck Agulhon assisté du chantant Rosario Bonaccorsi ou de l'élégant Mathias Allamane, assure une rythmique impeccable, permettant de belles envolées aux solistes, une fois calés sur cette assise qui tourne rondement ! Et d'ailleurs dans "Big boogaloo" et "Mojito", on assiste au renfort des souffleurs, Stéphane Belmondo à la trompette et au bugle et Julien Lourau au saxophone ténor, qui groovent grave et l'on retrouve cette qualité du funk qui éloigne définitivement toute tentation chagrine.

Tonique et lyrique sans être trop effusif, tendre dans les ballades, musclé voire très percussif dans les rythmes vifs, on écoute sans se lasser le pianiste et son "Big boogaloo". C'est une qualité aujourd'hui où les albums sont souvent trop longs ou mal architecturés. Certes les tenants d'un jazz free ne s'y reconnaîtront pas vraiment. Ils n'ont peut être pas besoin de revenir au temps des Horace Silver, Phineas Newborn Jr. Mais, et ce n'est pas l'un de ses moindres attraits, Eric Legnini peut aussi faire redécouvrir tout un courant déjà ancien et jouer auprès des plus jeunes le rôle de passeur. Il connaît cette musique et arrive sans revivalisme aucun, à rendre toujours actuelle une musique révolue. Avec lui, on apprécie le retour aux sources de la soul et du gospel, "l'école noire" du piano. Et si vous n'êtes toujours pas convaincu, écoutez donc le final triomphal, du trio en marche dans "The preacher".