What we did on our holidays

Fairport Convention

par Francois Branchon le 05/04/2003

Note: 9.0    

"What we did on our holidays" le deuxième album de Fairport Convention qui parait au début de 1968 est une étape importante dans son histoire, avec le remplacement de la chanteuse Judy Dyble par Alexandra Elene MacLean "Sandy" Denny.

Car plus qu'un changement de personnel, c'est un tournant de style. Le chant de Judy Dyble était intense, presque "tendu", Sandy Denny a une vraie expression folk, mais surtout elle apporte dans ses bagages des chansons déjà parfaites, ces petits contes de l'Histoire anglaise qui allaient bientôt devenir indissociables de l'esprit Fairport. Et ici, pour faire connaissance et mettre tout le monde par terre, "Fotheringay" ouvre l'album, une compo personnelle à mélodie magnifique, toute en arpèges et chœurs baroques chuchotés. La chanson lui restera attachée jusqu'à sa mort, elle donnera même son nom à son groupe éphémère formé à son départ de Fairport en 1970. L'arrivée de Sandy Denny c'est un art qui fait merveille de faire sonner authentique l'arrangement d'un traditionnel : la légèreté et la flamboyance mêlées de "Nottamun town" ou "She moves through the fair", qu'elle chante de manière bouleversante, ou magistrale.

"What we did on our holidays" est aussi l'album où Richard Thompson monte en puissance. Sa guitare prend une place de choix, personnelle, au-delà d'un simple instrument. Bien que toujours discrète, elle est partout, parfois à des altitudes que seuls fréquentent alors quelques guitaristes californiens, un Hal Wagenet, un Jorma Kaukonen ou un Jerry Garcia. Ses arabesques en arrière-plan de "She moves through the fair", ou cette reprise cosmique de Joni Mitchell "Eastern rain", survolée (chevauchée) avec aplomb et subtilité (Fairport atteint là le meilleur It's a Beautiful Day). L'enchaînement avec le traditionnel "Nottamun town", traité tout aussi cosmique, téléportant quelques siècles de la vieille Angleterre dans le psychédélisme, est un des principaux traits du génie de Fairport (et de son succès en Californie, tout comme Donovan) : avoir déplacé les limites entre folk et rock, redessiné le paysage, un vrai travail de peintre...

Avec aux avant-postes les deux artisans Denny et Thompson dont le songwriting mûrissait à vue d'œil, l'espace restait mince pour Ian Matthews, l'ex-leader marginalisé avec sa seule ballade un peu plate "Book song" et la reprise de Bob Dylan "I'll keep it with mine". Exit Matthews après cet album. En 1968, Fairport Convention change de dimension, écrit déjà ses "classiques" ("Meet on the ledge") et dire que le meilleur est encore à venir ! (notamment "Liege and lief" en 1969 - point d'orgue de Denny - et "Full house" en 1970 - celui de Thompson - après lesquels ils tireront respectivement leur révérence).

Trois titres sont ajoutés en bonus de cette réédition, trois blues plutôt décalés avec Richard Thompson en première ligne, où Fairport sonne comme le Fleetwood Mac de Peter Green : "Throwaway street puzzle", la face B nerveuse du single "Meet on the ledge", "You're gonna need my help" qui permet de l'entendre à la slide (pas fréquent) et "Some sweet day", ballade rapide conçue comme single mais abandonnée au profit de "Meet on the ledge".