The illusion of infinitesimal

France Jobim

par Hugo Catherine le 05/11/2014

Note: 10.0    
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France Jobim s'entoure d'abord de longues nappes doucereuses, s'invitant à peine dans le creux de nos oreilles, puis de touches suraiguës presque inaudibles, et enfin de menus ajouts acoustiques (touches de piano, grattements de guitare, bâtons de pluie...). Ainsi nous croyons notre décor sonore tout dessiné, mais une nappe prend alors le pas sur les autres, sans heurts, comme poussée par une progression naturelle. "The illusion of infinitesimal" a une dimension plus cosmique que terrienne : les choses s'y passent par nécessité spatio-temporelle et non par petits arrangements humains. De l'infinitésimal se dégage paradoxalement une plénitude : d'une matière quasi négligeable transpire une dimension entière, complète, absolue.  

L'album, malgré sa lenteur, évite tous les obstacles de l'ennui ; la répétition n'y est pas paresseuse, elle est annonciatrice de l'émergence d'un mouvement profond, d'une transition en sommeil. "Zéro", en particulier, invite au repos – un repos loin de toute extinction, un repos de méditation, un repos de régénérescence. La musique de France Jobim s'excuserait presque de parvenir à notre cerveau, elle s'adresse bien plus à notre for intérieur qu'à nos activités conscientes. Les pistes s'éteignent sans éclats, regagnant le silence, lieu naturel de leur délicatesse.  

L'infinitésimal est parfois presque inaudible, les fréquences retenues vont au-delà de nos capacités de perception. L'album sert ainsi magnifiquement l'idée que nous faisons tous notre propre chemin vers l'infinitésimal, selon notre acuité corporelle et spirituelle à capter un au-delà sensoriel. Un ultrason agressera ou caressera les uns tandis qu'il restera inexistant pour tant d'autres. "The illusion of infinitesimal" est avant tout l'illusion d'avoir tout perçu, tout entendu. Cet album de France Jobim est indispensable pour faire l'expérience de l'écoute profonde, celle du séjour en soi plutôt que celle du zapping et de l'effleurement.