The kiss of morning

Graham Coxon

par Filipe Francisco Carreira le 31/03/2003

Note: 7.0    

A l'heure où le nouveau Blur s'apprête à voir le jour, certains esprits échaudés par la récente brouille médiatique entre Damon Albarn et son désormais ancien guitariste n'auront que ça en tête : mettre face à face - dos à dos ? - le quatrième album solo de Graham Coxon et le premier de Blur... sans Graham Coxon. Si la comparaison s'annonce quasi-inévitable, elle risque cependant de tourner court tant la voie choisie par le guitariste prodig(u)e, intimiste, brute et dépouillée, hors du temps, hors des modes, a de quoi décourager ce genre de velléité. "The kiss of morning" se présente sous une pochette cartonnée, des nuages argentés caressent des cimes aux couleurs de l'aube : ce dessin lumineux et enfantin illustre à merveille le propos d'un disque vécu par son auteur comme l'expression d'une renaissance, celle qui intervient après des années de désespoir alcoolique. Enregistré en deux semaines avec deux autres musiciens, ce disque aux sonorités typiquement américaines, du folk réjouissant de "Baby, you're out of your mind" à la country flâneuse de "Mountain of regret", s'oppose à l'esthétique toute britannique qui avait permis à Blur de s'imposer comme symbole national, et, passé le cap de la surprise, s'impose comme une œuvre intime mais pudique, imparfaite et émouvante. Il alterne avec à-propos les ballades acoustiques qui n'en sont pas - l'urgent et fébrile "Song for the sick" - celles qui en sont vraiment - "Bitter tears" - et qui feraient pâlir d'envie les Kings of Convenience et les tornades électriques secouées de spasmes salvateurs - "Do what you're told to". "It ain't no lie" rappelle Beck, "Escape song" emmène Syd Barrett dans une chevauchée fantastique échappant à tout contrôle. Le simple et enivrant plaisir de jouer de la musique émane de ce disque qui respire la sincérité et s'évertue à capturer l'essentiel. Graham Coxon a pris son indépendance : le chanteur s'assume, le parolier s'affirme, osant donner du corps et du coffre à des perles de l'éclat de "Good times".