Let there be rockgrass

Hayseed Dixie

par Chtif le 17/12/2004

Note: 8.0     

La reprise rock est un art délicat. Entre l’inutile copie conforme et l’adaptation décalée lounge pour se la jouer fashion chez Ardisson, le terrain est miné. Clonage improbable entre une bande de hardos poilus et une fanfare de champs de coton, les Appalachiens Hayseed Dixie évitent ici ces deux écueils en interpétrant d’ultra-standards hard-rock à la sauce… rockgrass ! Comprendre : le fest-noz du redneck, la bourrée du Tennessee, avec violon, banjo et guimbarde. De loin, ça sent un peu le foin, et pourtant, dediou !, ça dépote de tous les diables !

Au programme, dans la grange, ce soir, cinq reprises d’AC/DC (Hayseed Dixie…D’accord, plutôt futés les sudistes…) dont un "You shook me all night long" d’anthologie interprété live et soutenu par les Yeee-aaahh ! des cow-boys du coin. Passé ce plat de résistance, on retrouve Bad Company et le J Geil’s Band, mis à l’honneur dans une ambiance proche du "O’ Brother" des frères Coën. Au rayon bon goût, le violon lancinant de "Detroit rock city" ferait presque passer Kiss pour un groupe sensible, et le toujours jouissif "Fat bottomed girls" est ici délivré dans une version que les pourtant très baroques Queen n’auraient jamais pu imaginer.

Ajoutez à cela un placide "Walk this way" (Aerosmith) à siffloter un brin de paille à la bouche en arpentant le bayou, et un "Ace of spades" hilarant, à écouter juste après la version live de Motörhead, et ce disque pourrait bien devenir indispensable en fin de soirée pour s'en payer une bonne tranche entre potes.

Seule "nouveauté" dans ce déluge de bons vieux classiques, "I believe in a thing called love" des Darkness s’avère finalement la moins excitante du lot. Comme quoi, ne s’improvise pas standard qui veut…

Le tout est franchement bien joué, à faire mimer les solos de banjo devant la glace, ce qui n’est pas un mince exploit. Les deux inédits de l’histoire ne sont même pas mauvais. Les reprises, elles, sont fidèles aux originales et pleines d’humour, mais heureusement, les gaillards ont l’air suffisamment honnêtes pour éviter que ça ne tourne à la parodie pure et simple. De toutes façons, une telle dégaine, ça ne s'invente pas : moustaches de bûcheron, salopettes XL spécial sudation lourde, et tronches de routiers assoiffés chez Russ Meyer. La plus rusée des attachées de presse n’arriverait pas à un tel degré d’authenticité dans le relookage. Point de canular ici, donc, mais bien un réel hommage qui démontrera une chose aux coincés du tympan, si besoin est : derrière le déluge de décibels se cachent souvent de vraies compositions, capables de traverser les années et les styles. La messe est dite, garçon, un autre whisky.

Au final, on en redemande, et chacun regrettera de ne pas trouver dans cette collection sa pépite électrique personnelle. Un petit Slayer en rockgrass, ça doit donner, non ? En attendant, on pourra toujours essayer de se consoler en chopant les Hayseed Dixie en concert, au prochain salon du pick-up.