Hefner brain

Hefner

par Vincent Théval le 27/03/2002

Note: 8.0    
Morceaux qui Tuent
Dark hearted discos
Can't help losing you


Six mois à peine après la sortie de "Dead media", quatrième album en forme de virage électro-bricolo, Hefner confirme sa stratégie d'occupation permanente du terrain et pose un jalon important dans un trajet singulier et inattendu. De la pop rugueuse des débuts à cette mélancolie électronique en passant par les accents cuivrés de "We love the city", Darren Hayman et ses hommes n'en ont fait qu'à leur tête, jouant des tours à la routine, se dérobant par là même à un succès qui leur tend les bras outre Manche. Dans un mélange touchant de courage et d'inconscience, Hefner semble constamment guidé par une liberté et une grâce enfantines. Que les trois premiers morceaux de ce disque soient des comptines est à cet égard révélateur. "Hefner brain" prolonge et referme peut-être la parenthèse "Dead media". Les deux albums ont un morceau en commun : "When the angels play their drum machines" dont le 'Mothership mix' souligne ici élégamment les atours électro-pop. "Dark hearted discos" et "The baggage reclaim the song" partagent également ces sonorités synthétiques, boîtes à rythmes et Bontempi en tous genres s'agrègent dans un édifice à la fois claudiquant et très efficace : chansons en plastique, petites constructions prodigieuses en Lego, mélodies mélancoliques denses comme des berlingots de lait concentré. Le chant de Darren Hayman y est particulièrement doux, qui accentue le côté enfantin et triste de ces bombinettes pop. Et puis arrive "Can't help losing you", retour du Hefner tel que fréquenté lors de la saison automne-hiver 2000 : une chanson down tempo aux sonorités chaleureuses et aux accents soul, où la pedal-steel guitare de Jack Hayter, une section de cuivres et la rythmique sèche d'Anthony Harding s'unissent pour tisser un tapis soyeux sur lequel Darren vient poser sa voix. La force du groupe est là, éclatante, dans ce jeux éminemment collectif. "Hefner brain" s'achève sur une chanson dépouillée et déchirante, "All i'll ever need". Darren Hayman y est seul au piano, la voix à nouveau à la limite du dérapage non contrôlé. Et voilà le trajet d'Hefner refait à l'envers sur un mini-album de cinq titres, comme une boucle bouclée, une période qui s'achèverait. Après cinq années d'activisme forcené, on n'a jamais été aussi excité de découvrir la suite des aventures des quatre londoniens, de savoir où Darren Hayman emmènera son talent. Pour tout dire, on se dit aussi, secrètement, que la situation n'a jamais été aussi fragile, qu'à force de ne pas être entendu, la lassitude pourrait l'emporter. L'âge des possibles, en somme.