Homme studio

Henri Salvador

par Francois Branchon le 12/05/2021

Note: 9.0      
spiraleEcouter
spiraleAcheter


Henri Salvador n'est connu du très grand public que pour deux périodes bien identifiées : celle rigolarde des années 60, quand il fait le con avec des chansons rigolotes ("Zorro est arrivé", "Le travail c'est la santé"...), profitant à fond des débuts de la télé, de la vague yéyé et de l'invention du Scopitone (juke-boxe à vidéos qui trônait dans les bars) qui lui permet des festivals de grimaces, et puis celle en 2000 de sa renaissance en crooner impeccable sous l'égide de la chanteuse Keren Ann ("Chambre avec vue"), une dernière vie en guide de révérence-référence.
Mais Salvador était beaucoup plus que cela, avec une vie musicale avant et pendant. Auteur-compositeur et bon guitariste dès les années cinquante (standards de la classe de "Syracuse", "Count Basie"...) et aussi - ce que révèle avec bonheur cette réédition-compilation du label Born Bad - tout au long des 70's, quand, en complet autodidacte (il était déjà son propre producteur dès les 60's, avec son label Rigolo), il s'installe un studio à domicile, empli de guitares, synthétiseurs, boîtes à rythmes, chambres d'écho, qu'il va utiliser seul. Une sorte de précurseur, qui produira là pendant une douzaine d'années en marge des morceaux destinés à Disney avec qui il est sous contrat, des chansons personnelles, bidouillées, expérimentales, publiées sur des singles-bides commerciaux dans un total anonymat. Des chansons qui sonnent aujourd'hui étonnamment modernes.

De ballades désabusées ("Le bilan") en dialogue hilarant ("Kissinger - Le Duc Tho" en pleine guerre du Vietnam), de ska ébouriffant ("J'aime tes g'noux") en critique sociale acerbe sans en avoir l'air ("Le temps des cons"), de crooneries imparables ("Un jour mon prince viendra") en bidouillages électroniques (la fin échevelée de la même) dont on se demande, comme avec le "Rock monsieur" de Christophe paru la même année si elle n'était pas tombée dans l'oreille d'Alan Vega et Suicide...

Born Bad propose ici une collection de seize chansons, dont aucune ne ressemble aux autres, mais un puzzle tout en continuité, plein d'unité, un bruit de fond délicieux sous les styles et les tons ouvertement différents, grâce notamment à la voix de Salvador, qu'il savait aussi, au-delà de crooner ou rigoler (et quel rire !) utiliser comme un instrument quasi rythmique.("Rock star").

 

© Born Bad




HENRI SALVADOR Pauvre Jesus-Christ (Audio seul 1972)



HENRI SALVADOR Kissinger Le Duc Tho (Audio seul 1973)



HENRI SALVADOR Le temps des cons (Audio seul 1975)