Le paradoxe de l'abondance

Hugo Clement

par Francois Branchon le 13/11/2025

Note: 6.0    

Hugo Clément met en lumière un paradoxe central : dans un monde où la production de l'agriculture intensive pourrait nourrir toute la population, des millions de personnes souffrent encore de la faim, d"autres gaspillent ou sur-consomment et l'impact environnemental des activités agricoles est multi-validé par les rapports du GIEC et de la FAO.

Le lien entre abondance et crise écologique est explicité: surproduction et surconsommation épuisent les ressources naturelles, accélèrent le changement climatique et menacent la biodiversité.
Les logiques de profit et de croissance infinie du système agro-industriel sont responsables de la dégradation des sols, de la pollution des eaux et de l"épuisement des écosystèmes.

Mais on pourra reprocher à Hugo Clément un certain angélisme, une approche trop prudente, pas assez politique au sens noble du terme. Ses solutions sont centrées sur l'individu, insistant sur la réduction du gaspillage, l'alimentation végétarienne, les circuits courts, l'agriculture biologique, la sobriété heureuse… 
Mais quid des obstacles ? Quelle perspective quand les structures économiques et politiques - particulièrement les structures agricoles dominantes - sont liées à l'industrie phyto-sanitaire ? Silence aussi sur les inégalités d"accès : si l'abondance existe, elle est très mal répartie. 
Quelle perspective quand les mécanismes de spoliation des terres et d"accaparement des ressources particulièrement en Afrique et dans le Sud global en général sont l'oeuvre de multinationales ne connaissant que la religion du profit à court terme.
Face à des intérêts économiques si puissants qu'ils obligent les politiques (Etats, UE…) à la soumission, ne serait-il pas judicieux et responsable de se poser la question du système économique dans lequel la planète essaie de (sur)vivre ?
Clément n'a aucun mot sur le rôle des États et des industriels (nationaux et multinationaux), n'aborde même pas la nécessité de régulations fortes (taxes carbone, interdiction des pesticides, émissions des gaz à effet de serre, la catastrophe Trump, etc...).

Une solution pourrait émerger : la question de la décroissance. Clément évite soigneusement ce débat pourtant central pour résoudre le paradoxe de l'abondance.
Peut-on vraiment concilier abondance pour tous et préservation de la planète sans remettre en cause le dogme de la croissance économique ? Certains écologistes (Serge Latouche, Pablo Servigne, Delphine Batho…) estiment que la sobriété ne suffit pas : il faut repenser radicalement notre modèle de société...

Un livre utile, qui a le mérite de rendre accessibles des enjeux complexes et d'inciter à l"action, mais un livre à compléter !