Liberté surveillée

Humair, Chevillon, Ducret & Eskelin

par Sophie Chambon le 25/11/2001

Note: 9.0    

Tout commence avec l'enregistrement d'un double album, en juin dernier, dans la chaleur de l'été commençant, au Centre Culturel Suisse, près de deux soirées au club parisien Le Duc des Lombards. Il ne s'agit pas d'un enregistrement 'live', souligne Philippe Ghielmetti, le producteur du label indépendant Sketch qui a su s'engager dans cette aventure, mais du produit final de trois journées de travail, avec ce côté de 'direct' qui proviendra des trois soirées au Centre Culturel Suisse. "Et s'il le faut, on fera tous les raccords nécessaires". Le trio Humair, Chevillon et Ducret, dit Huchedu (Humair aime aussi à s'entourer de musiciens plus jeunes) invitait pour participer à cette expérience le saxophoniste américain Ellery Eskelin. Sans retrouver nécessairement l'expression de ses propres disques en trio avec Jim Black et Andréa Parker, l'ami américain a su trouver - ce n'était pas chose facile - sa place de ténor : sans être en retrait, il joue à sa façon lyrique et jaillissante, et se fond dans la dynamique que gère avec poigne, un Humair toujours directif. C'est que le batteur ne se considère pas du tout comme un accompagnateur, il revendique le projet de "Liberté surveillée". Il entraîne donc, avec un sens réel de la cohésion, son quartet dans des compositions longuement ouvertes, propices à un travail d'équipe, sur des thèmes de Joachim KŸhn à Michel Portal sans oublier Marc Ducret ou lui-même. Seul Bruno Chevillon ne compose (et on attend pourtant ce moment) ni ne prend de véritables solos. Une création libre à plus d'un titre mais pas free. A la précision sèche d'Humair, vigilant sur tous les fronts, aux lignes de basse fondamentales mais discrètement épurées de Chevillon, se conjuguent le ténor un peu dissident parfois d'Eskelin, "Mutinerie", et le contrepoint de la guitare, sensible, nerveuse, intelligemment libérée de Ducret , qui s'envole sur "Missing a page" à la mémoire de Jean-François Jenny Clark. Libre de retenir une des rares ballades, "Ira" (qui illustrera un documentaire ami sur l'Irlande), ou "Amalgame" sur tempo lent, qui donne la note finale de ce disque, on peut encore préférer l'harmonie coulée de "Salinas" ou les lancinantes "Urgences" de Ducret. Rien n'est imposé, on vous aura prévenu, seul le plaisir de s'abandonner au travail de l'ensemble.