Revoir un printemps

IAM

par Alexandre Leroy le 27/12/2003

Note: 9.0    
Morceaux qui Tuent
Quand ils rentraient chez eux
Ici ou ailleurs
Fruits de la rage
Armes de distraction massive


Ils nous l'avaient annoncé à la toute fin de l'album précédent, "je pense pas à demain/ parce que demain c'est loin". En effet, le lendemain du groupe IAM arrive six ans plus tard. Bien que les membres n'aient pas chômé, entre albums solo, compilations et même cinéma, c'est avec une réelle impatience que l'on retrouve Akhenaton, Shurik'N, Freeman, Khéops et Imothep.

Première grosse différence avec "L'école du micro d'argent" (1997) : il y a désormais trois Mc qui se partagent le micro. Le danseur Freeman rappait sur quelques titres de l'album précédant, expérience concluante puisqu'en 1999 suivait son album solo, "L'palais de justice", pour officiellement l’introniser Mc. Bien que doté d'un flow moins technique, moins impressionnant que ceux de ses acolytes, il compense par la rage, la percussion, l’agressivité. Car il est tout de même difficile d'égaler le niveau de maîtrise d'AKH et de Shurik'N : une écriture intelligente pour des textes bien tournés et réfléchis. Comme on pouvait s'y attendre, ces deux là sont au top et y restent depuis un bout de temps maintenant. Surtout depuis qu'ils ont pris à leur compte la production des morceaux. A part un titre de Khéops et deux d'Imothep, l'album porte leur signature musicale, de l'électro ("Murs"), des morceaux plus doux ("Revoir un printemps") ou plus brutaux ("Noble art", "Mental de Viet-Cong"), ils prouvent qu'ils savent jongler avec les ambiances.

Beaucoup moins mystique que le chef d'œuvre qu'était "L'école du micro d'argent", "Revoir un printemps" pose un regard d'adulte sur la vie. Les sujets abordés sont plus matures, souvent tirés du quotidien : la paternité ("Revoir un printemps"), les femmes battues ("Fruits de la rage") ou violées ("Ici ou ailleurs"), la vie des courageux travailleurs anonymes ("Visages dans la foule"). Cela ne les empêche tout de même pas de témoigner de la réalité du monde actuel : une critique acerbe de l'impérialisme américain depuis 1945 ("Armes de distraction massive"), sans tomber dans le manichéisme (on se souvient que sur son deuxième album, "Ombre est lumière" en 1993, le groupe fustigeait le régime de Saddam), tandis que "21/04" et "Bienvenue" dressent un triste constat de la France d'aujourd'hui. Ce dernier morceau est interprété aux cotés de Beyoncé, l'icône du R'n'B moderne. Mais IAM n'a pas choisi la facilité, en lui faisant chanter le refrain du titre le plus désabusé de l'album, ils lui font exploiter son potentiel de chanteuse soul et le résultat est très plaisant. Les autres invités majeurs sont bien sur Method Man et Redman, les deux "America's most blunted', qui tournent sur les ondes depuis cet été avec "Noble art" et son funk explosif. Le titre distille quelques gouttes de bonne humeur dans un disque majoritairement sombre et triste.

Six ans après, IAM revient toujours au sommet du hip-hop français. Avec "Revoir un printemps", ils signent un album majeur, fort et brillant.