Self-portrait

Isao Suzuki

par Hanson le 03/02/2006

Note: 8.0    

Agé d’une quarantaine d’années lors de cette session, toute l’impétuosité du contrebassiste Isao Suzuki a cédé à l’accalmie avec cette œuvre intimiste. Le temps des "Blow up" et autres perles du label japonais Three Blind Mice semble bien révolu puisque après avoir changé de maison de disques, Isao Suzuki signe cet autoportrait qu’il interprète intégralement seul, selon une démarche qui peut évoquer les premiers enregistrements d’Henri Texier sur JMS à la même époque.

Paradoxalement, si la contrebasse s’exprime avec une retenue si singulière afin de laisser l’ensemble des autres instruments respirer, elle constitue néanmoins la clef de voûte de cet enregistrement. Jouée à l’archet, occupant une position rythmique ou bien entamant un dialogue mélodique dans son étreinte avec Suzuki, elle devient le vecteur d’un autoportrait dont on est amené à oublier sa circonspection. Parallèlement, Isao Suzuki emploi toute une palette d’instruments établissant un point de convergence entre le jazz venu d’un autre continent, une expressivité musicale asiatique et une recherche sonore propre aux pays en ébullition artistique. Outre la contrebasse, l’orgue Hammond et les pianos acoustiques ou électriques, qui soulignent l’origine de l’inspiration de Suzuki, l’introduction de nombreuses percussions asiatiques, de flûtes, de taisho-koto, et de kokyu accroche cette musique aux multiples facettes à son terroir qu’est le Japon. Pourtant elle ne sonne en rien traditionnelle, peut-être notamment grâce à l’utilisation d’un vocorder qui produit une distorsion électrique au chant de Suzuki évoquant un procédé bien connu et popularisé par les musiques électroniques d’aujourd’hui.

L’ensemble des titres de "Self-portrait" évoque sans ambiguïté le propos d’un tel disque. La confession de Suzuki s’ouvre sur un orgue Hammond grave évoquant une tourmente qui n’aura de cesse de se battre avec un sentiment de mélancolie. L’anxiété atteint une sorte de paroxysme lorsque que sur fond de machine à vent, se succèdent tour à tour une flûte sombre, une batterie à la rythmique désarticulée, puis un kokyu au son aigu et plaintif dans le titre évocateur ‘Vision – Days to come’. Mais rapidement, la sensibilité de Suzuki reprend le dessus comme le soulignent les titres "China on my mind" ou "Dialogue in myself", entraînant l’auditeur vers des sentiments plus pondérés. Après cet exceptionnel voyage dans une musique où la linéarité est absente, et ayant un tel foisonnement de teintes musicales différentes, le disque se conclue sur une remarquable réinterprétation de "In a sentimental mood" où la contrebasse réaffirme sa position dominante et rappelle qu’Isao Suzuki est avant tout un contrebassiste au lyrisme considérable.

"Self-portrait" vient d'être réédité en Cd par Polystar au Japon. Comme la plupart des rééditions japonaises, il est d’une qualité sonore irréprochable et est accompagné d’une pochette en carton semblable à celle du disque vinyle. Trouver ce disque en France est probablement délicat, et il vaut mieux le commander par Internet auprès de disquaires japonais spécialisés dans l’exportation comme www.cdjapan.co.jp.