Jackie McAuley

Jackie McAuley

par Damien Berdot le 06/09/2009

Note: 9.0     
Morceaux qui Tuent
Turning green
One fine day
Country Joe
Boy on the bayou

spiraleEcouter
spiraleAcheter


Jackie McAuley fut un des membres fondateurs de Them. Sa renommée demeura cependant confidentielle, bien loin de celle de son compatriote Van Morrison. A la dissolution de Them, il mit sur pied les Belfast Gypsies, rejeton du premier, avec son frère Pat. Il y eut aussi Trader Horne - expérience plus intéressante - avec Judy Dyble, la chanteuse originelle de Fairport Convention. En 1971, enfin, il enregistra pour le label Dawn son premier album solo, assisté par quelques-uns des meilleurs musiciens de jazz de l'époque.

Le résultat est tout à fait engageant. "Jackie McAuley" appartient à la catégorie des chefs-d'œuvre mineurs, qui plaisent de bout en bout sans pour autant avoir la force d'impact des Nick Drake ou des John Martyn. C'est sans doute sa diversité qui l'a empêché de trouver un public dès sa sortie. Que dire en effet d'une chanson aussi inclassable que "Cameramen Wilson and Holmes", avec ses variations au clavecin baroques enchâssant (en une sorte de fondu cinématographique) une section complètement différente, relevant du jazz progressif tel que pouvait le pratiquer "l'école de Canterbury" ? "Away" est basiquement une ballade de jazz ternaire, avec Rhodes et solo de trompette. "Spanish room" est un " Embryonic journey" hispanique, dans lequel des arpèges se développent, s'enrichissent d'un entrelacs de guitares. Autre instrumental (l'album en comprend deux) : "Bangerine", dont les couleurs évoquent les morceaux acoustiques de "Led Zeppelin III".

Mais, pour varié qu'il soit, "Jackie McAuley" a néanmoins une dominante : celle du folk-rock. La voix de McAuley, chaude, est particulièrement adaptée au genre. Soit c'est le piano qui commande les chansons, comme dans "Turning green", le morceau de bravoure de l'album, qui s'étire au-delà des six minutes, dans un crescendo plus dramatique que celui de "Hey Jude" (il y a un puissant renfort de cordes et de cuivres). Soit c'est la guitare : "Ruby farm", avec ses beaux accords mineurs, inspirée par le folklore celtique ; "Country Joe", hommage à Country Joe McDonald, où un arpège acoustique laisse place au "fiddle" de la country, à moins que ça ne soit au crin-crin chromatisant de la musique tzigane ; "One fine day" (un des deux singles proposés en bonus tracks), peut-être la plus simplement belle - l' "Here comes the sun" de McAuley... "Boy on the bayou" ajoute au couple guitare acoustique/basse des percussions et surtout une guitare saturée à la dérive que n'aurait pas désavouée Robbie Krieger, bien en accord avec la voix, ici noyée dans les échos.

Toutes ces chansons sont de la plume de McAuley. La seule reprise, "Poor Howard", est empruntée à Leadbelly. Reprise remarquable par ailleurs : chaleureuse comme un pub de Belfast, avec son piano de ragtime et, en guise de basse, la cruche des jug bands. Elle est à l'image de cet album : affable, sincère, éloignée de la virtuosité gratuite - écueil dans lequel beaucoup de musiciens de progressif, de jazz et de hard rock avaient sombré en cette année 1971.