Sex Machine

Jean-Pierre Dionnet et Philippe Manoeuvre

par Francois Branchon le 12/02/2012

Note: 4.0    

Il était surprenant en fin d'année 2011 d'entendre sur les média Philippe Manœuvre faire la promo de son émission "mythique" (sic) en revendiquant d'avoir eu dans son programme toute la crème de la funk mondiale, parfois en avant-première. Ah ! Et de se rengorger, avec la fierté légitime du balèse pionnier, citant Michael Jackson, Prince et tous les autres...  Notre mémoire nous trahissait-elle... ?

Les Enfants du Rock - respect Pierre Lescure - furent en 1982 un événement épatant et salvateur : enfin de la musique à la télé, près de trois heures à 20h30 chaque jeudi soir ! Si globalement la musique y était bonne, les émissions-rubriques, hebdomadaires ou mensuelles ne se valaient pas toutes.

Il y avait les bien foutues, "Houba houba" (de Caunes) ou "Rockline" (Bernard Lenoir) dédiés au pop-rock, avec reportages, actualités et extraits de concerts, "L'impeccable" sur la Bd (par Jean-Pierre Dionnet, rédacteur en chef de Metal Hurlant, LA revue Bd et rock de référence d'alors), l'excellentissime "Haute-Tension" du visionnaire Alain Burosse (futur créateur de "L'œil du cyclone" sur Canal Plus), émission à l'habillage toujours original et inventif qui donnait la part belle à la cold wave, l'underground musical de l'époque (Cure, New Order, Lynch, Wire, Cocteau Twins, Tuxedo Moon...).

Mais il y avait aussi les robinets à clips, "Rock'n'roll Graffiti" pour les nostalgiques 50's et 60's animés par les inoffensifss Groucho Business et Chico d'Agneau (Alexandre Marcellin et Sam Choueka) et, chaque mois en fin de soirée "Sex Machine", également conçue par Jean-Pierre Dionnet et officiellement dédiée à la musique noire (funk ou soul). L'influence de la Bd se sentait dans le scénario et son habillage : deux clanpins refoulés de manière récurrente d'une boite de nuit (le Sex Machine), prétextes de sketches encadrant les clips.

Qu'en reste-t-il aujourd'hui ? Ces fameux sketches sont allègrement bâclés, obsédés par le cul dès le générique (une fille à poil sous la douche) et surtout, sont joués de manière pitoyable (Jo-Wilfried Tsonga pour Kinder Bueno est meilleur), aussi bien par Dionnet et Manœuvre par leurs "guests stars" (Sophie Favier, Jean Roucas, Phify le garde du corps du groupe Téléphone. On plane au niveau Collaro.

Quant à la musique choisie par Manœuvre elle n'est en rien chercheuse de l'originalité de son époque, se contentant de passer les clips sans risque du top américain présent (soul) ou passé (disco), Michael Jackson, Prince, Greg Kihn, un vieux Marvin Gaye, Rick James, "Le freak" de Chic... Passages à sauver, la regrettée Pauline Laffont au générique et une ou deux des seules véritables présences de groupes dans l'émission, tous français, à qui il était demandé de faire une reprise du morceau "Sex machine". Lavilliers par exemple s'en tira plutôt bien, jouant le jeu brownien jusqu'au bout (à voir ci-dessous).

Sketches mauvais et clips aujourd'hui tous visibles sur YouTube : faut-il que la nostalgie soit rentable pour concevoir de telles rééditions ! Ou alors miseraient-elles sur un public jeune et manipulable de type Nouvelle Star (le nouveau lieu d'épanouissement de Philippe Manœuvre) ? Nous suggérons aux maisons de disques en mal d'idées de s'intéresser par exemple à ce "Haute Tension" déjà évoqué, la plus expérimentale et jouissive des émissions des Enfants du Rock, qui soutenait vaillamment et presque solitairement (avec "Feedback" de Bernard Lenoir sur France Inter) cette cold wave que le critique rock du mensuel très en vogue Metal Hurlant (un certain... Philippe Manœuvre) débinait alors à longueur de colonnes.






BERNARD LAVILLIERS Sex machine (TV 1983)